En 2010 ou 2011, lors d’une visite au cimetière de Sepmes, village dont elle est originaire, Eliane Fontaine, enseignante retraitée, donne quelques renseignements à des personnes qui s’informaient au sujet de tombes d’anciens combattants de 1914-1918. Un membre du « Souvenir Français », en particulier, voulait engager la rénovation de certaines tombes. Presqu’un siècle après la « grande guerre » le souvenir de ces hommes tués aux combats n’était donc pas effacé.
Mais, alors que les sépultures disparaissent, qu’il n’y a plus de survivants, comment maintenir la mémoire de ces héros? Comment ne pas oublier que ce furent des hommes de chair, fils de parents meurtris par les deuils, peut-être époux de veuves éplorées et pères d’enfants qui ne les connurent jamais, ou ne les revirent pas? C’est cet aspect humain qu’Eliane Fontaine a voulu mettre en avant en recherchant, à un siècle de distance, quelles étaient les vies concrètes des poilus de Sepmes « Morts pour la France ».
Sa recherche l’a occupée pendant plusieurs années, encadrée et aidée par d’autres sepmois motivés par la démarche (en particulier Camille Daguet et Eric Dechene, professeur d’histoire). Ses résultats furent présentés sous la forme d’un classeur très complet récapitulant les courtes vies des 37 disparus de Sepmes. Eliane Fontaine a remis ce classeur à la Mairie de la commune qui le porte à la connaissance de quiconque en fait la demande.
A partir de ce travail, lors des cérémonies du 11 novembre des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, les informations recueillies concernant les morts de l’année correspondante furent lues au public. Des petits enfants entendirent parler d’un grand-père que leur propre père n’avait pas connu. D’autres se remémorèrent le veuvage de leur mère, ou la peine de leurs grands parents. Sepmes comme toute la France est pétrie de ces situations tragiques que rien ne doit faire oublier.
Ce premier post nous permet de faire connaître le document élaboré par Eliane Fontaine et de présenter la façon dont elle l’a construit:
- Les 20 premières pages font l’historique des trois principaux Régiments d’Infanterie (RI) dans lesquels la plupart des poilus de Sepmes ont été mobilisés: le 66 ième RI stationné à Tours, le 68 ième RI stationné au Blanc, et le 268 ième RI également stationné au Blanc. Les engagements de ces RI, tout au long de la guerre, quasiment jour par jour, sont détaillés, tant sur les plans topographique, météorologique, ou stratégique, qu’humain; avec le nombre de blessés, de tués et de disparus. Un calvaire de 4 ans.
- La centaine de pages suivantes s’attache à présenter chaque poilu, au plus près de sa vie. Sa date et son lieu de naissance, les noms et professions de ses parents, et sa propre profession sont précisés quand ils sont connus. De même que le nom de son éventuelle épouse et ses parents. Les noms de leurs éventuels enfants sont aussi indiqués de même que le domicile du poilu. La situation militaire elle même est détaillée: la classe, le grade, le numéro de matricule, le corps de troupe, les campagnes et bien entendu la date et le lieu du décès quand ils sont connus. Et puis, pour chaque poilu originaire de Sepmes et tué dans cette guerre épouvantable, les éventuels liens familiaux dans la commune ou avec les autres soldats; pour qu’au delà du matricule on oublie jamais l’homme.
La fig 1 montre, sur le plan de la commune, aux lieux-dits qu’ils habitaient, les 35 silhouettes des poilus de Sepmes morts durant la guerre de 14-18 (pour 2 d’entre eux le lieu d’habitation n’était pas connu). 12 habitaient le bourg (dont l’instituteur) et l’on voit bien que toute la campagne était concernée par ces disparus.
Et bien entendu l’hécatombe a concerné toutes les communes environnantes et tout le pays.
Les poilus de Sepmes dont on connait les professions étaient représentatifs de la France d’alors: 25 travaillaient la terre (cultivateurs, agriculteurs, ouvriers agricoles, journaliers, domestiques agricoles…), mais il y avait aussi un charpentier, un menuisier, un tailleur d’habits, 2 militaires de carrière, l’instituteur du bourg…
16 sont morts en 1914, 8 en 1915, 7 en 1916, 3 en 1917 et 5 en 1918. Le début de la guerre fut particulièrement cruel pour Sepmes qui perdit Paul Menoux le 1° septembre 1914 et Hyppolite Cathelin le lendemain.
Le plus jeune sepmois tué dans cette guerre avait 20 ans (Paul Roy) et le plus âgé 39 ans (Joseph Blanchard). 23 des disparus de Sepmes avaient entre 20 et 30 ans !!! 16 étaient mariés, laissant 16 veuves et 14 orphelins.
Notons que le monument aux morts du cimetière ne porte pas tous les noms des victimes originaires de Sepmes. Il n’en figure « que » 34. Les raisons en sont diverses et bien précisées dans le classeur de Madame Fontaine à la Marie de la commune.
Dans de prochains posts nous présenterons des exemples concrets parmi les 37 jeunes sepmois (ou 39 selon les décomptes) victimes de cette boucherie.
La photo d’entête date du 14 septembre 1919 et illustre le 66 ième RI présentant les armes place de la gare à Tours.
Nous remercions Madame Eliane Fontaine de la confiance qu’elle nous accorde en nous autorisant à diffuser une partie des résultats de son travail.
Excellentes initiatives !
D’abord pour les recherches mais aussi pour la diffusion.
Remarquable travail en effet.
A l’exception des familles concernées (et encore) il est probable que ces recherches ne soulèvent qu’un intérêt limité dans la population et c’est bien dommage. Le temps passe et souvent les familles veulent oublier ces périodes tellement effroyables.
Quoiqu’il en soit merci encore pour ces recherches!
Quelle excellente idée!
Travail de longue haleine pour lequel nous devons être reconnaissants.