L’organisation d’Etats forts, ayant besoin d’une fiscalité régulière, a poussé à la constitution d’une base objective évaluant la valeur de chaque propriété foncière ou habitation afin de créer des taxes plus cohérentes.
L’outil de cette évolution est le cadastre. C’est la volonté de Napoléon qui permit de mettre en place les moyens d’établir le premier cadastre du pays (cadastre napoléonien). Le 15 septembre 1807, un cadastre parcellaire unique et centralisé est instauré pour toutes les communes de l’Empire (130 départements). La loi demande de « confectionner, pour chaque commune, un plan où sont rapportées [les parcelles], [puis] les classer toutes d’après le degré de fertilité du sol [et] évaluer le produit imposable de chacune d’elle ; [enfin] réunir au nom de chaque propriétaire les parcelles éparses qui lui appartiennent ; déterminer, par la réunion de leur produit, son revenu total et faire de ce revenu un allivrement qui sera désormais la base de son imposition… »
Le cadastre permet d’identifier les biens et immeubles à l’aide d’un numéro de parcelle dans une section de plan (une ou plusieurs lettres) dans une commune et dans un département. Ce numéro de parcelle est unique. Il y a environ 99 millions de parcelles en France.
Il faudra attendre 1848 (la chute de l’Empire, la succession de 3 rois et l‘avènement de la deuxième République) pour que presque toutes les communes de France soient cadastrées. Mais, au fil du temps une question apparaît : la mise à jour du plan. Il n’avait jamais été prévu de mettre le plan cadastral à jour. Cela était même illégal! La règle consistait alors à maintenir à jour les matrices cadastrales sans jamais toucher au plan.
Seules quelques entorses à la règle ont eu lieu pour pallier des situations particulières, comme par exemple la prise en compte des modifications des limites de communes.
Alors qu’une faible proportion de rectifications de limites communales est observable, un exemple très instructif concerne notre vallée de la Riolle. (Fig1)
Nous sommes en 1830 et Bournan souhaite modifier ses limites communales avec La Chapelle Blanche; qui s’y oppose. Rappelons l’affaire.
La demande émane du maire de Bournan qui se fonde sur deux points: d’une part la limite entre les deux communes fait appel, à certains endroits, à des « lignes à vol d’oiseau » au lieu de se caler sur des chemins ou cours d’eau ou fossés identifiés, et d’autre part, les habitants de la Durelière et de la Davière seraient demandeurs d’être rattachés à Bournan, plus accessible de chez eux que le bourg de la Chapelle dont ils dépendaient. (Fig 2)
Le service du cadastre du Département d’Indre et Loire, a procédé à un « croquis figuratif de la limite de Bournan avec La chapelle Blanche », le 10 février 1830. (Fig 3)
Pour établir ce croquis (la délimitation des communes du canton de Ligueil avait été faite en 1829 pour être cadastrées), sont présents, outre Mr. Pierre Emile Vié géomètre de première classe du cadastre, Mr Charles Roy, Maire de Bournan, accompagné de trois « indicateurs » nommés par lui, ainsi que les maires et indicateurs des communes limitrophes, tous convoqués pour constater contradictoirement, sur le terrain, la délimitation du territoire de Bournan. Le maire de La Chapelle Blanche est Mr Benjamin Harang.
Le travail débute au nord avec pour point de départ l’endroit où se joignent les communes de Bossée et de la Chapelle Blanche. Toute la limite entre Bournan et La Chapelle Blanche est ensuite parcourue en signalant les noms des propriétaires des terrains concernés, les chemins empruntés (par leur noms ou leurs numéros), les gués sur la Riolle ou la Ligoire, les noms des hameaux concernés. La démarche aboutira à un échange de territoires entre Bournan et la Chapelle Blanche malgré l’opposition formelle des chapellois.
Le géomètre ayant validé les demandes de Bournan, un arrêté royal du 8 mars 1832 sera publié:
« Louis Philippe, Roi des français… Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:
Article 1°: La limite entre les communes de Bournan et de La Chapelle Blanche est fixée dans la direction indiquée au plan ci-annexé par le liseré aurore; en conséquence les polygones A et B sont réunis, le premier à La Chapelle Blanche, et le 2° à Bournan. Ils y seront exclusivement imposés à l’avenir…
Donné au palais des Tuileries le 8 mars 1832. Signé Louis Philippe…(Fig4)
En deux ans la demande a été instruite et avalisée au plus haut niveau. Une efficacité administrative remarquable donc. Dans un prochain post nous présenterons la carte officielle par des zones concernées par l’échange de territoires entre les communes, ainsi que ses conséquences en termes humains et économiques.