Pour la Riolle le château de Grillemont est le plus bel exemple de patrimoine à connaître maintenir et faire valoir. Chargé d’histoire depuis des siècles, il a en outre été la propriété de personnalités remarquables que nous évoquerons tour à tour.
Parmi elles citons Henriette Delamarre de Monchaux, épouse Lecointre (1854 -1911) dont la vie à bien des égards illustre et favorise l’amélioration de la condition féminine.
Henriette Delamare de Monchaux est la fille d’un artiste-peintre, Théodore Delamarre, et de Mathilde Lyautey, fille du Général Hubert-Joseph Lyautey (1789-1867), grand père du fameux Maréchal. Elle épouse à Paris le 25 août 1875, à l’âge de vingt et un ans, Pierre Lecointre, un des 17 enfants de Gérasime Lecointre (1809 – 1888) qui acheta le château de Grillemont en 1850.
Le jeune couple qui s’installe au château a trois enfants, Marie (en 1881), Mathilde (1882) et Georges (1888). Pierre Lecointre, diplomate, engage beaucoup de travaux au château. Il est membre de diverses sociétés savantes. Henriette quant à elle ne manque pas de centres d’intérêt ni d’activités. Citons ici quelques lignes du chapitre qui lui a été consacré par Sylvie Pouliquen (1) dans son remarquable ouvrage « Les Dames de Touraine ».
« Henriette, dotée d’une forte personnalité, mène un combat acharné, contre ceux qu’elle nomme les « soumissionnistes », pour les droits des femmes, au sein de divers groupes, l’Union des femmes royalistes, la Fédération Jeanne d’Arc, le Comité des Dames royalistes de Touraine.
Entre 1905 et 1907, elle enchaîne enquêtes, conférences et rapports sur le travail féminin, le vote des femmes, le « devoir social des femmes à la campagne », leur rôle dans le relèvement des petites industries locales », et même l’avortement (raisonné)… Elle s’engouffre aussi dans une science jusque-là, méprisée, l’étude du folklore traditionnel que Jacques Marie Rougé a déjà commencé à explorer. »
A la même époque, au contact des scientifiques venus étudier les faluns de Touraine, Henriette Delamarre de Monchaux se prend de passion pour la géologie et la paléontologie. À partir de 1890, elle avait commencé à constituer une belle collection de fossiles et en septembre 1901, elle débute la rédaction d’un catalogue, avec un classement des fossiles par type, accompagné de photos et de dessins de sa main. Son nom à d’ailleurs été donné à certains spécimens inconnus des naturalistes, comme le Prasina Lecointreae, qu’elle découvrit à Paulmy.
Sylvie Pouliquen nous dit: « Bien que n’ayant jamais fait d’études dans ce domaine précis, la comtesse se révèle compétente et se perfectionne en requérant l’aide d’un réseau de spécialistes avec lesquels elle entretient une importante correspondance ».
De plus en plus connue, Henriette Delamarre de Monchaux travaille en 1906 à la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l’Indre-et-Loire, section sciences naturelles, puis, entre 1907 et 1911, elle participe à la rédaction des bulletins de différentes sociétés savantes.
C’est en 1908 que paraît chez Mame une synthèse remarquable de ses travaux sur les fossiles : « Les Faluns de Touraine », qui traite en particulier de l’origine des fossiles, question diversement traitée au cours des siècles et souvent mal abordée. Puis en 1909, c’est la publication, en collaboration avec Lucien Mayet, d’une « Étude sommaire des mammifères fossiles des faluns de la Touraine ».
Les engagements scientifiques et sociétaux d’Henriette Delamarre de Monchaux, à l’orée du XX° siècle, sont donc tout à fait remarquables et exceptionnels; tant dans leur diversité que dans leur profondeur. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient faits l’objet d’analyses et de publications. (2)
Son fils, Georges Lecointre (1888-1972), grandit entouré de scientifiques. Sa vocation de géologue s’est éveillée dès l’âge de huit ans par la rencontre décisive en 1896 avec Gustave-Frédéric Dollfus et par le passage, au château familial, des participants du Congrès géologique international partis en excursion les 11 et 12 août 1900. C’est lui qui, après le décès de sa mère, Henriette, en 1911, enrichira la collection de fossiles illustrant l’ère secondaire (Crétacé supérieur), mais aussi l’ère tertiaire (Miocène). C’est la collection Lecointre. Elle a été léguée pour une grande part au musée de Préhistoire du Grand-Pressigny en 1965 (893 lots répertoriés), et pour une part moindre au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Le reste est conservé par la famille.
Bibliographie
1- Pouliquen Sylvie. Les Dames de Touraine. Tome 1
2- Schweitz Daniel. Regard sur la place des femmes au sein de la Société archéologique
de Touraine (1876-2015), BSAT, tome 61, 2015, pp. 233-262.
Merci beaucoup pour toutes ces informations car je ne connaissais que la collection de M. Georges Lecointre.
Quelle famille !
Et je suis d’autant plus intéressé que mes arrière grands-parents et grands parents ont travaillé dans des fermes appartenant à la famille Lecointre !
Oui, la famille propriétaire de Grillemont manifeste depuis près de deux siècle un intérêt remarquable pour la vie communale et sociale. Il y a bien des initiatives à signaler dans cet ordre d’idées et ce blog n’en sera que plus interessant. L’histoire de Grillemont elle même est aussi à détailler, tant la « grande » histoire de France y croise la vie quotidienne de ruralité profonde.