La proximité de la Riolle avec la ligne de démarcation, imposée par l’occupant nazi de juillet 1940 à Mars 1943, a été à l’origine de bien des évènements héroïques ou lamentables dans nos territoires. Dans un premier post nous en avons évoqué quelques uns pour ce qui concerne les communes de La Chapelle Blanche et de Vou.
Nous souhaitons dans ce nouveau post faire état des actes de bravoure et de courage, mais aussi de trahison, qui se sont déroulés à Sepmes, dans l’aide apportée aux clandestins voulant franchir la ligne de démarcation. (Fig 1)
L’abbé Joseph Perret, dans son témoignage « Le curé de Draché, un pur de la résistance », paru en 1948, évoquant le rôle des « passeurs » qui aidaient les fuyards, a écrit: « Un passeur, n’a nul besoin de réclame pour s’attirer une clientèle. D’un bout à l’autre de la fameuse ligne, un flot incessant de voyageurs déferle chaque jour, cherchant avidement une fissure à travers la ligne. Certains de ces fugitifs auraient pu sans dommage rester tranquillement chez eux. Mais, à coté de ceux qui se pressent, poussés souvent par des motifs bien futiles, que de réelles misères! Familles disloquées, prisonniers évadés, Juifs traqués, deuils, maladies, affaires urgentes et graves…Il faut les recevoir, les écouter, les héberger, et les nourrir pendant plusieurs jours parfois, car beaucoup sont sans ressources. Il faut composer avec les faiblesses et les défauts de chacun: certains manquent d’éducation et même de délicatesse, d’autres ne savent pas se tenir tranquilles et attirent dangereusement l’attention. »
Le curé de Draché, c’est Henri Péan « Chef méconnu de la résistance en Touraine » selon le titre de l’ouvrage que lui a consacré Jean Gille Dutarde en 2011. Il mourut sous la torture au siège de la Gestapo de Tours le 18 février 1944.
Si Henri Péan fut à coup sûr le chef de la résistance dans notre région, membre de réseaux organisés (Turma vengeance et Marie Odile), et si on sait qu’il a permis le passage de plus de 2000 personnes, et en particulier des militaires français et étrangers échappés des camps, c’est qu’il avait su regrouper nombre de personnalités locales, et en particulier à Sepmes. Evoquons les plus connus en nous appuyant sur les livres de J.G. Dutarde, (Fig 2,3) et les témoignages de survivants.
- La vicomtesse Marie Thérèse de Poix, est propriétaire du château de la Roche Ploquin par son mariage, après que son époux, le comte Jean de Poix, grand blessé de la guerre 14-18, décède à 33 ans en 1924. Dès la déclaration de guerre en 1939 et jusqu’en Mai 1940 Marie Thérèse de Poix se met au service des hôpitaux militaires de Soissons puis de Bordeaux. Après la défaite et l’armistice, son château se trouve situé à quelques kilomètres de la zone libre. Elle en fera un lieu de passage et de séjour pour de nombreuses personnes et en particulier les militaires et réfugiés qui prirent contact avec les réseaux de l’abbé Péan, mais aussi les réseaux du marquis de Lussac, Maire de Sainte Catherine de Fierbois. Elle réussit à la Roche Ploquin, grâce à des agriculteurs des environs, à fournir des vivres pour les clandestins hébergés dans les chambres du château, parfois 12 à 15, à masquer leur présence, et à organiser leur fuite vers la zone libre, en passant par Cussay et le Grand Pressigny. Indéniablement, un grand nombre d’aviateurs, de soldats, de juifs traqués ont été sauvés grâce à l’action à haut risque de la châtelaine; d’autant que son activité de résistance à perduré après l’annexion de la zone libre. Elle participa personnellement, le 2 janvier 1944, à un parachutage d’armes par l’aviation anglaise, dans sa ferme de l’Auberdière, au lieu-dit les Héraults, juste au nord du château de la Roche Ploquin. Ce parachutage semble avoir été l’élément déclencheur des arrestations qui aboutiront à celle de Madame de Poix le 16 février 1944. Diverses dénonciations sont en cause et tous les participants au parachutage qui ne se sont pas aussitôt éclipsés, ont été arrêtés. Transférée à la Gestapo de Tours Marie Thérèse de Poix subit des interrogatoires où elle est maltraitée et torturée pendant 7 semaines, avant d’être transférée au fort de Romainville, puis déportées au camp de Ravensbrück le 17 avril 1944. A bout de force elle est finalement sauvée le 22 Avril 1945 par l’arrivée de la Croix Rouge suédoise qui la soigne. Elle peut rentrer en France en septembre 1945. « Spoliée de son mobilier par les allemands, elle trouve le reste du château pillé par le voisinage ». Elle renonça à le restaurer et en fît don (sauf la chapelle qu’elle garda comme nécropole familiale), en 1952, à la paroisse Saint-Séverin des champs de Paris. Puis elle s’installe à la Gostrie, petite ferme très proche de la Roche Ploquin et y demeurera jusqu’à sa mort le 5 février 1970. Son corps repose dans la chapelle du château de la Roche Ploquin. Elle fut première adjointe au Maire de Sepmes de 1947 à 1965.
- Andrée Babin, issue d’une très ancienne famille de Sepmes, est née en 1903. Son père Eugène Babin était sabotier et sa mère, née Marie Robineau, était couturière. Ils eurent 5 enfants. Andrée était une femme très joviale et engagée dans la vie du village. Non seulement elle chantait et jouait de l’harmonium à l’église, mais elle était aussi secrétaire de Mairie de la commune depuis 1929. En mai 1944 deux agents de la Gestapo viennent l’arrêter à la Mairie. Il semble qu’Andrée Babin ait profité de son travail, pour établir de faux papiers d’identité ou de fausses cartes de ravitaillement pour faciliter la vie des clandestins et de ceux qui les aidaient. Mais certains soupçonnent aussi qu’elle ait été arrêtée au seul motif de son amitié avec Marie Thérèse de Poix. Après son interrogatoire à Tours elle est déportée le 25 mai 1944 au camp de Belzec où elle meurt du tétanos le 22 mai 1945. Une plaque commémorative a été apposée à sa mémoire sur l’école de Sepmes (ancienne mairie) en 2011. Le portrait ci dessous d’Andrée Babin a été confié par Mauricette Bourgueil, épouse Plisson, native de Sepmes, à Madame Eliane Fontaine, de Sepmes, qui nous a permis de le reproduire. Qu’elles en soient remerciées. (Fig 4,5,6)
- Pascal Rentien, (communément appelé Fernand Rentien) qui était boucher à Sepmes, fut une des chevilles ouvrières du parachutage d’armes. C’est en effet dans sa camionnette Renault que les hommes sont arrivés sur les lieux de l’opération, et que le matériel récupéré fut transporté pour être caché dans le local qui lui servait d’abattoir. C’est également sa voiture à bras qui a servi pour convoyer dans une cave, à l’entrée de Sepmes, les armes qui avaient été parachutées. Enfin il récupéra un des revolvers qui étaient destinés aux résistants. C’est le prénom de son fils, Francis, qui donna le mot de passe annonçant le parachutage anglais « Francis est un garçon ». Il disparu dans la nature après le parachutage, évita la rafle, et revint à Sepmes tenir sa boucherie dès la fin de la guerre. Il fut enterré dans le village en 1956. Son ouvrier boucher, Jacques Audat, qui n’était pas informé des activités de son patron, fut arrêté, conduit à la Gestapo de Tours, torturé et mutilé avant d’être relâché.`
- Marius Saint-Aubin, garagiste à Sepmes avait lui aussi participé au parachutage allié, mais il réussit à quitter Sepmes avant la rafle de février 1944. Son frère Raymond est arrêté et emprisonné un mois avant d’être relâché pour conduire à la Kommendantur le véhicule de Pascal Rentien pour l’examiner.
Au total, parmi les cinquante personnes transférées à la prison de Tours, déportés le 16 mai, dix-sept seulement revinrent vivants.
De prochains posts évoqueront d’autres résistants locaux liés aux réseaux qui opéraient à partir de Sepmes, et, en particulier la famille Goupille du Grand Pressigny (qui fut déportée en totalité), Max de Lignaud, marquis de Lussac, Maire de Sainte Catherine de Fierbois, mort en 1944 au camp de Neuengamme – Hambourg, Jean Michau, agriculteur de Draché mort au camp de Bergen-Belsen en 1945.
Mais il faudrait citer tant de personnes courageuses: Abel Cellier, postier à la Celle-Saint-Avant (déporté), Pierre Renard de la Haye-Descartes (déporté), Alphonse Cathelin, agriculteur Maire de Marcé sur Esves (déporté), Marcel Besnault de Draché, Mell. Beaumard de Cussay, Mme Botté de Port-de-Piles, et tous les autres, connus ou inconnus, qui ont risqué leurs vies pour s’opposer aux nazis.
Il faut en particulier évoquer le cantonnier de Sepmes, Désiré Douady, et ses deux filles Gilberte et Denise (qui épousera le résistant Beaumard de Descartes). La famille Douady, dont les fuyards connaissaient, par le bouche à oreille, le nom et l’adresse, hébergeait en toute discrétion, pour la nuit, de nombreuses personnes qui repartaient au petit matin.
Nous serons heureux, si vous avez connu ces personnes ou des témoins de leurs actions, de pouvoir disposer de vos témoignages pour honorer la mémoire de ces héros de la résistance. Merci aux informations transmises par Mme Eliane Fontaine.
Que de belles personnes !
Merci pour ce partage.