La Touraine viticole qui bénéficia d’un extraordinaire développement au XIXe siècle, fut touchée de plein fouet par les maladies venues d’Amérique et en particulier le Phylloxéra.
Les trois parasites de la vigne arrivèrent dans le sud de la France en 1863, puis touchèrent ensuite la Touraine : l’oïdium en 1857 (maladie cryptogamique), le phylloxéra en 1882 (insecte piqueur), puis le mildiou (maladie cryptogamique) en 1885. Si l’oïdium peut être contrôlé par les traitements au soufre et le mildiou par la bouillie bordelaise, aucun traitement simple ne permet de venir à bout du phylloxéra. (Fig 1 et 2) Sepmes et Bournan furent touchées par la maladie en 1885. En 1889, ni la Chapelle-Blanche ni Civray sur Esves n’étaient contaminées. (1) En Touraine, de 1889 à 1906 plus de 35 000 hectares furent perdus (près de 2000 ha de vigne chaque année) ! (2)
La solution retenue, malgré l’opposition ou les craintes de nombreux viticulteurs, fut d’arracher les vignes malades ou contaminées et de les remplacer par des vignes résistantes au phylloxéra. En Touraine ce n’est qu’à partir de 1888 (fin de l’interdiction d’importer des boutures) que la reconstitution du vignoble se met en place. Pour ce faire, il fallut sélectionner des porte-greffes de vignes américaines (Riparia, Rupestris et Belandieri) qui avaient développé une résistance naturelle au phylloxéra et, par greffage, d’y associer les vignes françaises pour conserver la typicité de nos vins. En amont de cette technique, des pépinières issues de semis voient le jour. Dans notre région, Louis Martineau (1852-1926), viticulteur à Sainte-Maure-de-Touraine, crée le cépage « Riparia Martineau gloire de Touraine ». Il servira à reconstituer une part importante du vignoble tourangeau (7%) soit plus de 10 millions de plants greffés. (3) (Fig 3 et 4)
« Lorsque l’approvisionnement en plants américains est opérationnel, à partir de 1895, et que les viticulteurs sont formés au greffage, la reconstitution s’accélère. 1 500 hectares sont replantés chaque année. La société d’agriculture met en place des cours de greffage pour les vignerons, et 75 écoles primaires enseignent même le greffage aux enfants. Seize pépinières communales sont également créées. Les deux plus importantes se situent à Tours au bord du Cher (2,5 ha) et à Nazelles (1,5 ha). En parallèle, une dizaine de pépinières privées voit le jour ». (2)
Au prix d’un travail acharné, 15 000 hectares sont reconstitués en 1906 en Touraine.
Les méthodes culturales ont par ailleurs été modifiées pour simplifier, améliorer ou normaliser les travaux. Les parcelles et zones de plantation les plus difficiles ont été abandonnées. Les plantations sont faites sur un sol défoncé sur 50 cm (il faut à un homme, un mois de travail, à 10 heures de travail par jour pour défoncer un hectare). Des machines à vapeur sont imaginées pour les grosses exploitations. Les ceps sont désormais implantés en rangs espacés d’1,50 m, guidés avec des fils de fer comme aujourd’hui, rendant la traction animale possible entre les rangs. La replantation se fait avec 6000 à 7000 pieds à l’hectare, contre près de 10 000 auparavant. La taille de type Guyot devient la plus commune.
En cépages rouges, la replantation fait principalement appel au grolleau (très prisé pour ses qualités productives et sa rusticité), au gamay, au côt et bien sûr au « breton » (cabernet franc pour Bourgueil et Chinon mais aussi Sainte-Maure). En cépages blancs, on utilise surtout le gros pineau (chenin blanc) du côté de Vouvray et Montlouis, ainsi que le menu pineau de la Loire, et la folle blanche (vers Richelieu). » Mais les plants hybridés ont également abouti à la perte de certaines variétés anciennes.
Des « noahs » (Othello), ont également été plantés à cette époque, sans connaître leur toxicité. Des propositions d’hybridation sur le Noah ont été proposées. François Baco (1865-1947) instituteur à Belus dans les landes a consacré sa vie à hybrider des plants qui ne souffrent d’aucune des maladies de la vigne (y compris le black-rot). Il fit des croisements sur le Noah qui permirent des cultures sans aucun traitement : Baco n°1 ( Noah/Tannat) et Baco 22-A (Noah/Folle-blanche).
Les frais de reconstitution des vignobles sont considérables d’autant que la première récolte n’intervient qu’après 3 années. L’environnement économique des bourgs est bien sûr touché. L’Etat en 1988 exonère d’impôt foncier les terrain replantés.
« En 1906, date à laquelle la reconstitution est considérée terminée par les autorités départementales, un total de 15 500 hectares a été reconstitué avec des plants greffés. Cela représente 43 % des surfaces détruites. De nombreux petits vignerons (57 % des surfaces détruites) se découragent ou n’ont pas les moyens financiers pour faire face aux coûts de la reconstitution… La superficie totale du vignoble d’Indre-et Loire est de de 48 000 ha en 1906, soit une diminution de 30 % par rapport à celui de 1882 » (2) et environ 30 000 hectares sont abandonnées ou laissées en sursis.
Mais, en terme de production de vin, les résultats de cette crise ne se font pas attendre : « entre 1876 et 1889, on estime que le rendement du vignoble tourangeau était de 13,3 hectolitres par hectare. Sur la période 1900-1914, il passe à 28,2 hectolitres par hectare» (2). Pourtant, le sud-Touraine, et donc les communes de la Riolle, comme les régions nouvellement conquises à la viticulture entre 1869 et 1889 sont majoritairement abandonnées. La vigne n’y est plus cultivée que pour la consommation familiale. On peut donc considérer que la plus grande part des loges de vignes qui émaillent nos paysages datent d’avant la crise du phylloxéra, de l’époque où la vigne était très présente dans notre région.
Au total on estime que 60 000 à 100 00 personnes ont subi cette crise, soit 20 à 30 % de la population tourangelle (vignerons, propriétaires, tonneliers, négociants, journaliers, fournisseurs…).
Bibliographie
(1) Tessier A. le phylloxéra en Touraine. Mémoire de Master 2006
(3) Desbons Pierre, Louis Martineau, célèbre vigneron durant la crise phylloxérique en Touraine qui a sévi de 1882 à 1906. Bulletin de la Société archéologique de Touraine, tome LXIV, 2018, p. 171-177.
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