La crise du Phylloxéra a provoqué une véritable révolution viticole qui a profondément remanié le vignoble tourangeau. Et, du fait de la plus grande productivité des nouveaux plants, les producteurs rescapés affrontent une nouvelle crise due à la mévente de la surproduction.(1) Les vignerons ont de grandes difficultés à amortir les lourds investissements engagés pour la reconstitution du vignoble. « Après la belle récolte de 1906, la Touraine est brusquement atteinte par la crise viticole qui est telle, en 1907, que nos vins blancs de la côte de Vouvray ne peuvent être vendus que l’année suivante et à raison de 20 francs la barrique de 250 litres. Soit 8 francs/hl, après dix mois en cave, alors que le rendement à l’hectare n’avait été que de 17 hl/ha. Revenu brut de 136 fr/ha. De 1907 à 1914, malgré la qualité des vins particulièrement réussis dans leur ensemble et qui sont nettement supérieurs en 1908 et 1911, les ventes faites par la propriété sont peu rémunératrices. La situation du vignoble tourangeau est loin d’être brillante quand éclate la guerre et elle devient forcément pénible toute la durée des hostilités ». (2).
La carte des vignobles d’Indre et Loire de 1912 d’Auguste Chauvigné, montre que la culture de la vigne a quasiment disparu de notre région et plus largement de toute la zone comprise entre la Vienne et l’Indre. Il reste, à l’ouest, quelques vignes du coté de Sainte-Maure et d’Azay le Rideau, et encore quelques vignes à l’est, aux environs de Loches. Mais il faut se souvenir qu’en 1861 il y avait 10 000 hectares de vignes dans le lochois, presqu’autant que dans le chinonnais. (Fig 1)
La surproduction liée aux nouvelles méthodes culturales et la concurrence étrangère va pousser la filière viticole à réduire encore les surfaces cultivées, tout en interdisant, en 1935, la vinification des raisins issus de plants très productifs (en particulier les Noahs, Jacquez, Clinton, Othello, Isabelle et Herbemont). A cette période, le Lochois disparait pratiquement des cartes viticoles, et seuls deux domaines résistèrent ; le Château des Ponts, à Genillé, et le Domaine du Ris, à Bossay-sur-Claise.
La filière viticole innove pour inventer une nouvelle notion de qualité, normalisée par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) dès les années 1936-1938, et qui va aboutir à la création des premières AOC. L’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) avait pour but de lutter contre les fraudes et de protéger le nom du vin, ses caractéristiques et les spécificités liées à un terroir délimité. En Touraine, Vouvray, Chinon, Bourgueil, St Nicolas-de-Bourgueil, Montlouis-sur-Loire et Touraine, bénéficient alors d’une AOC.
Pour autant, les petits vignobles communaux dédiés à l’autoconsommation ne disparaissent pas totalement. Mais, ces petites productions se rétractent et finalement les petits vignobles Lochois disparaissent peu à peu dans le courant des années 1960-1980 ; d’autant que le remembrement de 1975 a accentué la disparition des petites parcelles. Moins de 20 hectares de vignes seraient en culture dans l’ensemble du lochois en 2025. A Sainte-Maure il ne reste qu’un seul producteur de vin.
De nos jours, les surfaces cultivées poursuivent leur réduction progressive, accompagnant la baisse de consommation de vin. Signalons pourtant l’effort des viticulteurs tourangeaux pour se tourner vers la culture biologique. (Fig 2 à 6)
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Dans le but de faire l’état des lieux de la vigne dans les quatre communes de la Riolle, j’ai pris le temps de circuler sur les chemins communaux. Je n’y ai pas trouvé d’exploitation viticole digne de ce nom. Seulement quelques parcelles abandonnées (Civray sur Esves), ou difficilement entretenues (la Voltière) à la Chapelle-Blanche, ou encore une maigre tentative de culture aux Termelleries. Il y a bien quelques treilles ici ou là, un rang de vignes servant de clôture à la Justice, mais rien qui puisse rappeler de près ou de loin la centaine d’hectares que Rabault exploitait à Sepmes il y a 150 ans. (Fig 7 à 9)
Pourtant des traces existent. Outre le matériel viticole conservé dans des granges, il y a ces plants isolés que des particuliers conservent et protègent avec soins : des noahs souvent, une souche ancienne, isolée en plein champ aux Tabardières, ou quelques vieux ceps datant du début du XXe siècle, en rouge et en blanc, (du Baco vraisemblablement), à l’orée d’un bois aux Termelleries.
Et puis il y a encore quelques loges de vignes, dans chacune des quatre communes de la Riolle, et les restes d’un clos à Sepmes qui entourait les vignes autour du Chateau Rabault. Mais il serait temps de se relever les manches pour les sauver. (Fig 10 à 16)
Pour rappel, en 2018, la viticulture en Indre et Loire c’était :
- 10.000 hectares en production, 9 appellations produisant, en volume, 49 % de rouges, 27 % de blancs, 18 % de fines bulles, 6 % de rosés.
- 75 millions de bouteilles vendues par an, dont 80% vendues dans le quart nord-ouest de la France, 27 % aux États-Unis et 20 % au Royaume-Uni.
- La vigne représentait 4 % des surfaces agricoles mais 17 % de valeur de la production agricole du département.
- Avec 5.500 emplois directs et indirects, la viticulture reste le 1 er employeur agricole du département.
Bibliographie
2- Vavasseur C. Le vignoble de Touraine de 1800 à 1932, Extrait de la Revue de Viticulture, Paris, Bureaux de la «Revue de Viticulture ».
Merci pour l’ensemble de cette recherche très intéressante, si bien documentée et illustrée.