Le 11 novembre dernier, pour la journée commémorative de l’armistice de la « Grande Guerre » de 1914-1918, Jean Claude Chaumont a publié un ouvrage remarquable, d’environ 150 pages, à la mémoire des 47 Chapellois morts à cause de ce conflit.
Jean Claude Chaumont, que nous avons rencontré, nous a précisé qu’il avait travaillé durant 3 années à la collecte des informations concernant chacun de ces 47 soldats morts pour le France, et à l’écriture de ce qui résume leurs trop courtes vies. Pour perpétuer leur mémoire. L’auteur, lui même originaire de la Chapelle Blanche Saint Martin, passionné d’histoire et en particulier de la première guerre mondiale, considère qu’il est fondamental de ne pas laisser s’éteindre le souvenir de ces jeunes hommes sacrifiés, de leurs épouses, veuves de 20 ans, de leurs orphelins, de leurs parents éplorés. Une génération entière à l’abattoir; la fin de la France?
La première partie de l’ouvrage est un rappel du contexte historique et des noms des 47 combattants de la Chapelle Blanche. « Il faut les arracher à la terre » m’a dit l’auteur de cette terrible enquête; et c’est bien ce qu’il fait en ajoutant autant que possible les photos ou des documents qui évoquent ces jeunes.
C’est ensuite le coeur de ce travail de recherche qui permet de retracer les vies de chacun. Les listes du monument au morts du cimetière et de celui de l’église, différentes bien sûr, constituent la première base documentaire. A partir de ces listes il a fallu rechercher sur internet la fiche matricule de chacun des soldats, connaître son régiment, puis suivre l’historique du régiment et lire les journaux de marche (quand ils existent) qui retracent jour après jour les opérations et les pertes de chaque régiment. C’est ainsi qu’on sait que tel ou tel chapellois disparaît dans tel ou tel combat, après telle ou telle blessure, ou meurt dans tel ou tel hôpital: une litanie de malheurs qu’il ne faut jamais oublier; pas plus que le courage et l’abnégation de celles et ceux qui les ont subis. Notre pays n’en a pas terminé avec cette peine.
En général Jean Claude Chaumont rappelle les quelques semaines ou mois d’opérations militaires qui précédent la mort des soldats. Et comme, pour chacun d’eux, l’auteur a pris soin de commencer par une présentation de la famille (parents, frères et soeurs, épouse, enfants), ainsi que le domicile, le lieudit, ou la ferme, et les proches…) chaque soldat est d’abord un être vivant, un voisin de la commune, qu’on retrouve au fil des recensements, également exploités par l’auteur pour évoquer la vie des survivants.
Le service militaire et la participation à la guerre, rappelés pour chacun des 47 combattants, donnent le cadre de la « boucherie » dans laquelle nos héros se sacrifient.
Imaginons un instant ces 47 jeunes actifs qui disparaissent en 4 ans sur une commune de 900 habitants, les courriers qu’y reçoivent de semaines en semaines les parents et épouses pour annoncer les morts les disparus et les blessés, ces familles décimées qui perdent plusieurs enfants, les travaux des champs rendus encore plus difficiles par l’absence des hommes et la perte des chevaux, les femmes au travail partout et les enfants maltraités par leurs conditions familiales dégradées…
Comment un pays peut-il se relever de quatre ans de cette misère? C’est aussi cette question que Jean Claude Chaumont pose en filigrane dans la troisième partie de son travail. C’est à chacun de nous, en mémoire du sacrifice de ces héros, de répondre à la question.
Notre pays a encore tant besoin de courage que la moindre des choses est de citer les noms des disparus:
Morts en 1914
DALONNEAU Henri Eugène, 25 Août, MOREAU Louis François Désiré, 20 Septembre, CARTIER Sylvain, 12 Octobre, DALONNEAU Octave Louis, 13 Octobre, LELLU Joseph Louis, 25 Octobre, PINON André Joseph, 25 Octobre, GRANGER Jules, 31 Octobre, NAULET René Joseph, 2 Novembre, BAILLOU Emile, 14 Décembre, ONDET Pier Joseph Valentin, 14 Décembre, GENTILHOMME Jules Emile, 24 Décembre
Morts en 1915
BERTRAND Désiré Jules, 06 Janvier, TOUZALLIN Charles Emile, 09 Mai, DELOUZILLIERE Pierre Théophile, 17 Juin, BODIN Louis, 13 Juillet, NAULET Jules, 26 Juillet, ANCEAU Louis Désiré, 04 Décembre
Morts en 1916
VILLAUME Emile, 24 Janvier, BRETONNEAU Louis Joseph Octave, 24 Avril, BERTHAULT Joseph Gabriel, 27 Avril, TRAVOUILLON Joseph Eugène, 04 Mai, CHANTOIN Abel Moïse, 05 Mai, LEGER Clément Joseph, 10 Mai, NAULET Jules, 15 Juillet, DENOIZAY Arthur Emile, 07 Août, DOUADY Georges, 20 Septembre, GATILLON Honoré, 04 Octobre
Morts en 1917
VILLAUME Eugène, 21 avril, ROCHER Emile Eugène, 26 Avril, GENTILHOMME Joseph Vincent, 08 Mai, PROUST François, 22 Mai, BOUE Lucien Prudent, 28 Juillet, NAULET Alfred Prosper, 18 Août, QUENTIN Charles, 27 Novembre
Morts en 1918
POUVRAULT Albert Léon, 23 Mars, PIARD François Martin, 27 Mai, BOURREAU Louis Joseph, 07 Octobre, HARDOUIN Adolphe, 12 Octobre, FOUCAULT Théophile, 27 Octobre, GUIMAS Daniel, 17 Novembre, POUPIN Jules Roger Antoine, 18 Novembre, SEGUY Augustin Raymond, 27 Novembre, MARTIN Désiré Joseph, 01 Décembre
Morts en 1919 et 1920
DALONNEAU Denis Florent, 25 Mars 1919, BONNEAU Isidore Louis, 27 Avril 1919, DESMES Raymond Charles 05 Janvier 1920
Dans de prochains posts nous présenterons quelques uns de ces « combattants » de la -Chapelle Blanche. Avec le souci de maintenir leur souvenir, comme le font l’Oeuvre nationale du bleuet de France ou le souvenir français dont il faut saluer le travail.
Pour se procurer l’ouvrage de Jean Claude Chaumont, passer commande auprès de villamaje@free.fr
merci pour ce travail et bravo à Jean-Claude Chaumont pour cette initiative humble et ambitieuse à la fois, et indispensable.
Oui il faut citer les noms de ces malheureux.
En repensant à ces vies brisées, on peut se demander si l’Histoire n’est pas qu’une éternelle histoire d’honnêtes gens qui meurent à cause de « fous » souhaitant contrôler la vie des autres (quelles qu’en soient les raisons).
MERCI ! Mais la liste (nécessaire) fait mal, surtout quand on connaît des descendants !
Combien de fois répèterons-nous : « N’oublions jamais ! » ???
De quoi nous plaignons-nous aujourd’hui quand nous relisons les documents (de famille ou non) de l’époque ?
Merci Claude de ton intervention de bon sens. Sans préjuger d’une réponse éventuelle de Blomig, je pense que s’il est absolument légitime de mettre en parallèle l’abondance dont nous bénéficions aujourd’hui avec les carences et difficultés de vies de nos ancêtres, on ne peut pas ne pas s’inquiéter de l’avenir qui se dessine. Pour ne pas retrouver des conditions conflictuelles telles que notre pays a connues au siècle précédent, n’est-il pas insuffisant de considérer que la situation d’aujourd’hui serait un optimum acceptable?
Non, je ne pense pas que l’histoire puisse se résumer à cette dichotomie « simpliste ». En 14 la volonté de revanche pour récupérer l’Alsace et la Lorraine dépassait je crois le clivage entre « honnêtes gens » et « fous ». La patriotisme, le courage, le sens de l’abnégation d’une génération éduquée pour cette revanche, ont abouti à ce sacrifice épouvantable. Les responsables du reich allemand, l’empereur d’Autriche-Hongrie, les décideurs des nations coalisées avec la France avaient-ils comme objectif de « contrôler les vie des gens » ou de faire valoir les intérêts de leurs nations dans la conduite du monde?
Et puis il y a eu cette fatale erreur d’évaluation: dans les 2 camps on pensait être à la maison pour noël!
Il ne faut pas oublier qu’un nombre identique de combattants est revenu handicapé à vie : blessures physiques et morales, gaz etc
Voir les chiffres précis dans le travail de Mme Janvier.
Morts et handicapés représentent 10% de la population totale. Or il s’agit d’hommes « actifs ».
La France a mis du temps à s’en remettre.
La France s’en est-elle remise? J’en doute.
Merci de votre rappel.