Madeleine Guérin est née à Ligueil en 1933. Dans son enfance elle fut confiée à ses grands-parents paternels au moulin de Gruteau à la Chapelle-Blanche Saint-Martin mais suivit sa scolarité à l’école de Bournan, plus proche. Elle resta à Gruteau jusqu’à ses 12 ans. Pendant la guerre le moulin abritait des allemands et Madeleine se souvient « à sept ans éplucher les patates pour les boches ». Elle parti ensuite au bourg, rue de Versailles, avant d’être « placée » à partir de ses 13 ans chez Mr. Ekart, maréchal ferrand de Bournan.
Un an plus tard elle travaillait aux Aigremonts qui étaient tenus par Roger Chretien et Thérèse Daguet qui en était originaire. Madeleine, 16 ans, fut ensuite placée une année à l’Ouverdière (Bournan) chez Mr. Matignon, puis à la Chapelle Blanche chez Mr Cathelin, avant d’aller en 1953 à la Grenière chez Mr. Gagneux, en face, sur la rive gauche de la Riolle. C’est à ce moment qu’elle épousa Georges Guillon originaire de Bossée qui travaillait rive droite, chez Mr. Gironnet à la Bataillerie.
Madeleine Guillon et son mari reprennent en 1956 la ferme de Mr. Matignon à l’Ouverdière (le propriétaire était Roger Joyau employé à la SNCF). A cette époque il fallu se lancer dans la production et Madeleine commença par une petite basse-cour : poulets, canards, oeufs…régulièrement conduits à Ligueil en carriole pour être vendus au marché, au sieur Boufeteau. Et puis il y eu des lapins et quelques vaches. Et des veaux aussi qui firent la fierté de Madeleine aux concours de Ligueil, en haut de la ville sur la « place du marché aux veaux », où certains furent primés. Quand ils eurent 5 vaches, le vendeur de bestiaux confia aux Guillon une sixième bête « à payer quand vous pourrez ». En plus du travail de la terre (la parcelle de la Malgagne porte bien son nom), des kilomètres parcourus en courant plus qu’en marchant, des charges portées à longueur de journées, les traites manuelles quotidiennes, Madeleine donna naissance à 6 enfants (les 5 premiers sont des filles). Et pourtant, Madeleine n’était pas bien grande du haut de son mètre cinquante. A force de travail le couple d’agriculteurs réussit à acquérir 2 chevaux et une dizaine de vaches dont Mr. Marquet, de la laiterie de Ligueil, venait récupérer le lait. Mais la brucellose qui toucha les bêtes obligea à éliminer le troupeau. Il fut remplacé par des chèvres. Madeleine s’initia donc au fromage de chèvre et conduisait ses productions au marché de Sainte-Maure. Elle le fit jusqu’en 1985, date à laquelle sa santé l’a contrainte à prendre sa retraite. Elle quitta l’Ouverdière et Bournan pour s’installer, en 1987, avec son mari dans une petite maison en périphérie de Civray sur Esves. Elle avait donc 54 ans. Après son enfance au bord de la Ligoire, sa vie familiale et professionnelle au dessus de la Riolle, elle allait passer sa retraite auprès de l’Esves. La beauté de ces minuscules vallées du sud-Touraine dans lesquelles Madeleine va faire des marches quotidiennes de 5 à 10 km, n’est plus à dire.
Mais qui aurait pensé que 30 ans plus tard Madeleine allait se mettre au sport ? Un concours de circonstances fait qu’en 2018 une salle de gymnastique de 180 m2, avec tous les équipements nécessaires, fut ouverte à Civray sur Esves par Quentin Mathieu et Emilie Pinson. Dans ce petit village de 200 âmes il y eut bientôt plus d’inscrits au club que d’habitants. Mais, imagine-t-on qu’une femme retraitée de 84 ans puisse en devenir une utilisatrice forcenée et la mascotte ?
Madeleine Guillon, entraînée par Quentin Mathieu, vint pourtant 3 matinées par semaine pour s’entraîner sur les différents appareils, lever de la fonte et faire du step comme les sportifs professionnels. « Je n’avais pas fait de sport et je ne pensais pas en faire un jour. Mais là je suis contente parce que ça me fait du bien » disait-elle.
Les troupes de Napoléon étaient faites des paysans endurcis par leurs activités si physiques. On dit que c’est grâce à ces troupes de gens très résistants, plus qu’à son génie militaire, que l’Empereur obtint ses victoires contre des armées de militaires plus souvent issus de la noblesse ou des classes « éduquées ». Le travail à la campagne et le courage qu’il impose rendent très forts ceux dont c’est la vie. Madeleine va devenir championne du monde à 86 ans.
Super article !
Un grand BRAVO à Madeleine !
Et il est bien vrai qu’hier le travail à la campagne et le courage qu’il imposait rendaient plus forts ceux dont c’était la vie !
Belle histoire. Bravo Madame.
Merci de la présentation de Madeleine qui, après une vie de labeur, a eu encore la force et surtout la passion de se consacrer au sport au point de devenir championne. Félicitations pour son courage!
Merci pour cet article intéressant sur une dame admirable ! 😊