La faune de la Riolle: le Blaireau

Chacun ici a vu, sur les routes de notre petite vallée de la Riolle, ou les routes environnantes, le cadavre gonflé d’un blaireau, les pattes en l’air, le museau ensanglanté. Ces animaux qui ont une mauvaise vue et ne connaissent pas les voitures, parcourent des kilomètres toutes les nuits. Victimes inconscientes des dangers de la route, ils peuvent occasionner des accidents. Au matin le spectacle est toujours affligeant. (Fig 1 et 2)

Alors parlons de notre voisin le blaireau ; qui ne s’attaque ni à l’homme, ni à ses animaux de compagnie, et qui, comparé aux chevreuils ou sangliers, ne provoque que des dégâts négligeables aux récoltes.

Le Blaireau européen porte le nom scientifique de Meles meles. Il est de la même famille que les loutres ou les furets. Il vit jusqu’à deux mille mètres d’altitude en France, mais il est absent de Corse. Il semble aujourd’hui confiné à certaines forêts et bordures de haies, près de bosquets ou de haies épaisses, ou en lisière de petits bois. Cette répartition pourrait résulter de la chasse de l’espèce depuis plusieurs millénaires. En Europe continentale, sa densité moyenne serait de 0,63 individu par km2.  En France, une estimation grossière a évoqué environ 150 000 individus. C’est une espèce qui exploite un vaste territoire et circule beaucoup pour l’inspecter, et qui donc est particulièrement victime du phénomène de mortalité animale due aux véhicules et de l’augmentation globale du trafic routier.

Description et vie sociale

Trapu et court sur pattes, un blaireau peut atteindre 70 cm de long, pour 25 à 30 cm au garrot et peser jusqu’à une vingtaine de kilogrammes. Il est très reconnaissable aux bandes longitudinales noires qu’il porte sur son museau blanc; le reste du pelage est gris, devenant noir sous le ventre et les pattes. La femelle est généralement un peu plus petite que le mâle. (Fig 3 à 6) Le blaireau est un animal nocturne.

Il a une mauvaise vue, mais une ouïe fine et surtout un très bon odorat. Deux glandes anales produisent des sécrétions odorantes utilisées pour marquer le territoire et les congénères. Le dessus du crâne porte une forte protubérance caractéristique des crânes des carnivores. (Fig 7 et 8) Sa tête est petite et d’allure conique. Ses pattes sont robustes et pourvues de solides griffes pour creuser (Fig d’illustration d’entête). Il peut faire des pointes de vitesse de 25 à 30 km/h. C’est un animal fouisseur, capable de construire de vastes galeries « familiales ».

Sa vie sociale (quand il ne vit pas solitairement) est marquée par le toilettage (il se fait généralement en commun et durant plusieurs minutes au sortir du terrier) ; les marquages sociaux odorants ; et les jeux qui concernent surtout les jeunes mais aussi parfois les adultes. Constitués de roulades, bousculades, courses poursuites, « empoignades à la nuque », avec des vocalises évoquant parfois un petit rire, couinements, grognements, soufflements ou ronronnement, et des attitudes spécifiques. En moyenne, la taille de son territoire couvre 40 à 50 hectares.

Alimentation

Le blaireau adapte son comportement alimentaire aux ressources saisonnières de son environnement, ainsi qu’à leur accessibilité. Bien qu’il soit classé parmi les carnivores, sa denture est celle d’un omnivore. En hiver, sensible au froid, il exploite ses réserves de graisse et se rabat sur les lombrics qu’il trouve en fouissant le sol non gelé. Il exploite les prairies (au printemps surtout), puis certaines parcelles agricoles (en été) et les forêts (plutôt en automne). S’il trouve un cadavre, il peut le consommer, mais ce n’est pas un chasseur qui poursuit des proies. Son alimentation est variée, avec de grandes quantités de mollusques, d’insectes coléoptères, hannetons et autres guêpes (vivant ou pondant dans le sol), ainsi que leurs larves ; des champignons ; des petits rongeurs ou des lapereaux, très rarement des œufs trouvés près du sol ou au sol, ou oisillons ; des grenouilles ou crapauds ; des serpents (il est immunisé contre le venin de vipère) ; des vers de terre, principalement en hiver (il pourrait ingérer annuellement près de cent kilogrammes de lombrics) ; des animaux qu’il capture dans le sol en creusant ses terriers (campagnols, taupes, etc.) ; des végétaux, fruits et fruits secs (par exemple des glands), racines et tubercules. Même si les blaireaux se nourrissent aussi de végétaux cultivés par l’homme (céréales) les dégâts qu’on lui reproche sur les récoltes sont largement surévalués.

Habitat

La taille et configuration des terriers de blaireaux varient selon les régions, mais l’animal s’adapte à de nombreux contextes, proches de terrains riches en vers de terre, non inondables et généralement situés dans une zone abritée ou peu fréquentée. Pour creuser les galeries de son terrier, il peut déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre. Certains de ces terriers sont très anciens et si vastes qu’ils possèdent jusqu’à 30 à 40 entrées; dans ce cas, la surface occupée par le terrier peut atteindre 2 000 m2. Le terrier est souvent creusé sur un sol en pente (ce qui facilite l’évacuation des déblais), et en pied de petits reliefs (butte, falaise, talus…) en forêt ou plus rarement en milieu ouvert, mais alors près d’un bosquet, d’une haie épaisse ou d’un talus ou fossé éventuellement couvert de ronces…(Fig 9 et 10)

Le terrier principal  est occupé par un « clan » familial de blaireaux notamment en automne et pour l’hivernage. C’est là aussi que les femelles mettent leurs petits au monde. Il est composé de plusieurs galeries qui peuvent descendre jusqu’à 3 ou 4 mètres de profondeur sur une distance atteignant quinze mètres de long, voire bien plus. Un réseau plus ou moins complexe de galeries est accessible en moyenne par cinq entrées. Ces galeries s’étendent parfois sur plusieurs niveaux, avec une longueur totale pouvant atteindre 300 m environ. Ce terrier principal est légué aux générations suivantes et peut être habité des dizaines, voire des centaines d’années. Le sol peut y avoir été remanié de génération en génération.

Reproduction.

La maturité sexuelle est atteinte dès l’âge de 2 ans. La reproduction se déroule principalement du mois de janvier au mois de mars. La gestation à proprement parler ne dure que deux mois environ. Les blaireautins naissent en général l’année suivante vers les mois de février – mars. La portée (de 2 à 7) restera avec la mère dans le terrier. Ils commenceront à sortir du terrier familial vers l’âge d’un mois et demi, et seront allaités pendant trois mois. Mais dès 6 semaines la mère peut aussi régurgiter des aliments.

Le blaireau est très peu prolifique (0,3 jeune par an et par femelle) ; il a donc beaucoup pâti dans les années 1970 des campagnes de gazage de terriers censées lutter contre la rage (ce qui s’est avéré contre-productif). Les autorités sanitaires ont ensuite financé la vaccination (dispersée sous forme d’appâts) qui s’est montrée spectaculairement efficace. Son espérance de vie est de quinze ans, et peut aller jusqu’à vingt ans en captivité, mais elle est bien moindre dans la nature, où 30 % des adultes meurent par an; mortalité plus élevée chez les mâles, d’où la prépondérance des femelles. Généralement, ils vivent quatre ou cinq ans, quelques-uns atteignant (rarement) dix à douze ans. 30 à 60 % des jeunes meurent dans leur première année. Il semblerait que ce soit les plus vieux individus qui quittent le clan et non les jeunes comme dans la plupart des espèces.

Menaces et état des populations.

Le blaireau a mauvaise réputation auprès des chasseurs et des agriculteurs : il consomme parfois un peu de blé, d’orge, avoine ou quelques épis de maïs dans les champs, voire des grappes de raisins dans les vignobles, mais cela reste très exceptionnel. Quelques dégâts plus significatifs sont signalés là où il manque d’autres ressources alimentaires.

En Europe il est classé dans l’annexe III de la Convention de Berne, ce qui en fait une espèce partiellement protégée.

Le « déterrage » est un mode de chasse dont le but est d’attraper le blaireau enterré au fond de son trou, en creusant pour atteindre une chambre du terrier et en utilisant des chiens spécialement dressés pour mettre le blaireau à l’accul, c’est-à-dire le coincer au fond de son trou. Le blaireau est ensuite extrait de son terrier à l’aide de pinces puis tué par le chasseur avec un fusil ou à l’arme blanche. La déterrage des blaireaux est autorisé en France et en Allemagne. L’animal est par contre strictement protégé dans certains pays, dont la Belgique depuis 1992, ainsi qu’au Luxembourg, et au Royaume Uni. Et il est non chassé dans de nombreux autres pays européens comme l’Irlande, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ou la Grèce.

Combien reste-t-il de blaireaux dans la vallée de la Riolle? De moins en moins. Pourtant on peut y observer de magnifiques entrées de terriers et suivre dans les parcelles, cultivées ou non, les chemins réguliers qu’arpentent les blaireaux dans leurs pérégrinations nocturnes. Quelle tristesse de voir arriver la pelleteuse, les chiens et les chasseurs pour  détruire une entrée de terrier et attraper un malheureux petit blaireau qui ne demandait rien à personne ! (Fig 11 à 13)

Observons les blaireaux; ils sont aussi des habitants de la Riolle.

4 réflexions sur “La faune de la Riolle: le Blaireau”

  1. C’est vrai que l’on aperçoit parfois des blaireaux tués par des véhicules surtout lorsque l’on fait du vélo dans la région. Je ne sais pas si les communes s’occupent d’enlever ces cadavres mais à coup sûr le cycliste sait qu’il existe un cadavre du fait de l’odeur à + ou – 50 m…
    Article bien intéressant!

  2. Merci beaucoup pour cette documentation concernant le blaireau.
    Par contre, c’est un animal qui devient plus que gênant pour les agriculteurs de notre région !

    1. Franchement, même s’il est vrai que le blaireau peut faire quelques dégâts aux cultures de céréales, cet animal est d’abord un carnassier. Ses dégâts n’ont rien à voir avec ceux causés par les chevreuils ou les sangliers. Et puis, les blaireaux ne sont pas très nombreux, et leurs terriers, en général, anciens. Ne pensez vous pas que ne les voyant que rarement (ils vivent la nuit) on leur attribue des pratiques nuisibles bien supérieures à la réalité des choses?
      Merci de vos réflexions et commentaires.

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