Le Moulin de Civray est situé à proximité immédiate du bourg de Civray, sur Esves ; à l’endroit ou la rivière n’est distante que de quelques dizaines de mètres de son affluent la Ligoire. Les archives diocésaines de Touraine font remonter l’origine du Moulin de Civray à l’année 1336. Il serait donc âgé de près de 7 siècles. (Fig 1)
En 1699, ce moulin à foulon était exploité par le sieur Charles Prousteau, marchand meunier. (AD37 Série G 779)
Un moulin à foulon était un dispositif pour fouler ou écraser les pièces tissées (laine ou autres fibres) pour les rendre plus souples. La force hydraulique entraînait des masses, liées à des cames, qui battaient les textiles à fouler. Ils furent nombreux en France à partir du XIIe siècle.
En 1751, Martin Boisseau était meunier en ce moulin. (AD37 Série 3 E 33 liasse 622)
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le moulin de Civray était un moulin à blé situé sur la rivière Esves et la propriété de la famille Dangé d’Orsay comme les châteaux de Grillemont, Bagneux, Vou et Allet.
En 1779, le meunier en titre était François Galland. (1)
En 1785, le meunier était Louis Boisgard. (AD37 série G 779)
Le 1er décembre 1788, le moulin est baillé à titre de ferme à Antoine Porcher. L’acte est passé devant M° Touchard. (AD37 Série 1 Q 171)
En 1806, Charles Dousset est meunier en ce moulin. (AD37 série 3 E 26 liasse 114)
Le 27 juin 1808. Le moulin de Civray est acquis en même temps que la terre de Grillemont, de Bagneux et du Fay par Mr Louis-Auguste Pilte, négociant en grains et à dame Anne-Catherine Grenet, son épouse demeurant tous deux à Orléans. L’acte est dressé en l’étude de M° Chartrain, notaire à Orléans. (AD37 Série 3 E 26 liasse 143)
Le 14 avril 1827 Les époux Pilte-Grenet cèdent le moulin de Civray à Marie-Françoise Joseph Eugène Goujon, comte de Gasville, ancien préfet de Pont-l’Evêque, ancien maître des requêtes et officier de l’ordre royal de la Légion d’honneur et dame Louise Françoise Eugénie de Fresnel, son épouse par contrat passé devant M° Courtois, notaire à Orléans.
Le 24 avril 1833, le comte de Gasville baille à titre de ferme, pour 9 ans à compter du 24 juin 1835, le moulin de Civray à René Dien, meunier, et Anne Vernier tous deux demeurant déjà au moulin de Civray. L’acte indique que ce moulin à blé était constitué de bâtiments nécessaires à son exploitation, avec ses tournants et virants, tels que meules, roues, rouet et autres ustensiles, bief, cours de rivière d’Esves, jardin, ouche, terres labourables, prés, pacages. Les bâtiments et cour dudit moulin consistant en une maison d’habitation avec chambres, halle du moulin, écuries, étables et toits à porcs, le tout porté au plan cadastral sous le n° 264 et contenant 7 ares 11 ca de superficie. la Grange et la cour sont portées sous le n° 265. (AD37 série 3 E 26 liasse 135) Le cadastre Napoléon illustre cette situation. (Fig 1)
En 1841, le moulin est toujours exploité par René Dien, Anne Vernier son épouse et leurs deux fils René et Honoré.
Le 15 janvier 1844, le moulin est baillé à titre de ferme pour 9 ans à René Dien et son fils Honoré. Il était aidé dans l’exploitation par Claude Jourdanne et son épouse, Anne Dien, ainsi que leur fils Emile et 4 domestiques (AD37 Série 3 E 33 liasse 167) A cette date, le domaine du moulin avait une superficie de plus de 8 hectares : bâtiments et cours (8 ares et 55 ca), jardins (6 ares et 7 ca), terres labourables (4 ha 52 ares et 37 ca), et près (4 ha 2 ares et 30 ca).
Au recensement de 1846, 9 personnes demeurent au moulin de Civray. René Dien en est toujours le meunier avec son fils Honoré et sa fille Anne, mariée à Claude Jourdanne.
Aux recensements de 1851,1856 et 1861 Claude Jourdanne et Anne Dien ainsi que leurs enfants ont repris l’exploitation du moulin.
Le moulin de Civray, comme tous les moulins situés sur l’Esves et ses affluents, est régi par l’arrêté préfectoral du 24 mars 1853. Le 30 juin 1853, l’ingénieur est sur place afin de vérifier l’état du moulin et envisager les travaux éventuels à réaliser conformément aux prescriptions de l’arrêté.
En 1860, le moulin est la propriété de Mr. Lecointre, demeurant à Poitiers, qui a repris les propriétés du Comte de Gasville décédé.
Cette année-là un nouveau projet d’arrêté préfectoral est en cours d’élaboration pour les moulins de l’Esves. L’ingénieur ordinaire est sur place au début mai 1860. Un plan détaillé est dressé. (Fig 2) Un procès verbal de visite des lieux est établi, en présence de Jean Leblanc du moulin Fescheau, afin de vérifier l’état du moulin et des travaux éventuels à réaliser. Il précise :
– Art 51 : Le sieur Lecointre est autorisé à maintenir en activité une usine destinée à moudre le blé, dite Moulin de Civray, qu’il possède sur la rivière Esves, à Civray.
– Art 52 : Le niveau légal de la retenue est fixé à 0,85 m en contrebas du dessus de l’appui de la croisée du fournil faisant face au bief et distante de 6,40 m du moulin, point pris pour repère provisoire.
– Art 53 : Le déversoir placé sur la rive droite du bief à 177 m en amont de l’usine, sera conservée dans cette position. Sa longueur sera portée à 6,50 m et sa crête sera arasée au niveau légal ci-dessus fixé.
– Art 54 : Le vannage de décharge présentera une surface du débouché libre sous la retenue de 3,68 m. Pourront être conservées les 2 vannes de décharge actuelles placées sur la rive droite du bief, l’une dans le corps du déversoir et l’autre auprès de l’usine. La première a une largeur libre de 0,69 m. Son seuil est placé à 1,10 m en contrebas du niveau égal de la retenue et elle présente une surface de 0,76 m. La seconde a une largeur libre de 0,65 m. Son seuil est placé à 1,11 m en contrebas du niveau légal et elle présente une surface sous la retenue de 0,72 m. Le vannage neuf qui devra être construit pour obtenir le débouché total ci-dessus fixé, sera établi auprès de l’usine, à l’aval du déversoir. Il aura une largeur libre de 2 m et son seuil sera placé à 1,10 m en contrebas du niveau légal de la retenue. » (AD37 série S 5552)
L’année suivante, l’ingénieur des Pont-et-Chaussées de Tours vient vérifier si les travaux préconisés par l’arrêté du 5 septembre 1860 ont bien été réalisés.
» Concernant le déversoir, la longueur qui devait être portée à 6,50 m a été réalisée à 6,65 m à cause de la flèche de la petite vanne qui est conservée. Le vannage de décharge a une surface de débouché de 3,75 m au lieu de 3,68 m prévue initialement car le propriétaire ayant eu des réparations à faire aux anciennes vannes, il les a démolies pour être refaites à neuf … La première vanne, celle qui est placée dans le corps du déversoir, a une largeur libre de 0,50 m au leu de 0,69 m sur une hauteur de 0,70 m et présente une surface de 0,35 m2… La seconde vanne qui est aujourd’hui la vanne neuve et qui est placée à 2 m en amont de l’ancienne, est composée de 2 vannes accolées présentant ensemble une largeur libre de 1,60 m et ayant leur seuil placé à 0,92 m en contrebas de la retenue. Elle présente une surface de 1,47 m2 … La troisième qui est la plus près du moulin est aussi composée de 2 vannes accolées présentant ensemble une largeur libre de 2,10 m et ayant leur seuil placé à 0,92 m en contrebas de la retenue, présente une surface de débouché de 1,93 m2 « . (AD37 Série S 5552)
Le 22 octobre 1861, l’ingénieur dressait le procès verbal de recollement (accord).
En 1861, Louis Brochard, propriétaire, demeurait au moulin de Civray. (AD37 série 3 E 26 liasse 912)
Entre 1866 et 1872, le meunier en titre est François Lyais et son épouse Marie Delhommais et leur fils Basile.
Le recensement de 1876 nous apprend que la famille Lyais a quitté le de Civray. Elle est remplacée par François Forget, sa femme Marie Montier et leur fille Berthe.
En 1879, le moulin à farine, à roue à pales de côté, avait un débit moyen annuel de 0,500 m3/ seconde, une hauteur de chute d’eau de 1m, une puissance brute de la chute d’eau de 5 kw, produisant une puissance utile de 2,5 kw
Entre 1881 et 1886: François Desroches est meunier, avec sa femme Jeanne Redon et leurs 2 fils, François et Mickael. A cette époque une modification importante de la route de Bournan fut réalisée (Fig 6)
En 1891 François Robin est le meunier aidé de sa femme Madeleine Ribault et de leurs deux enfants, Marie et Joseph. Les recensements suivant n’apportent aucun renseignement sur l’exploitation du moulin. A la fin du XIXe siècle, Henri Lamirault exploitait ce moulin.
La succession rapide des différents meuniers est sans doute la marque de la difficulté grandissante à produire suffisamment de farine pour que l’entreprise soit rentable. D’autant que la notoriété du moulin de Fescheau, un petit kilomètre en aval, semblait particulièrement établie. Les évolutions industrielles, les deux guerres mondiales, et le remembrement des années 1970 ont abouti à la cessation d’activité des moulins de l’Esves, puis au détournement de son cours, supprimant les biefs et mettant les moulins hors eau.
Les propriétaires successifs du moulin de Fescheau ont réussi à conserver les mécanismes du moulin. Les derniers propriétaire du moulin de Civray ont, quant à eux, fait de gros efforts pour maintenir et restaurer les marques hydrauliques et architecturales qui témoignent de 7 siècles de l’histoire des lieux ; alors que l’endroit était quasiment abandonné depuis des décennies. (Fig. 7 à 9)
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Remerciements à Henri Detroussel pour les informations recueillies dans les archives départementales 37
Remerciements aux propriétaires du Moulin de Civray pour l’autorisation de photographier la situation actuelle du moulin et leur sympathique coopération.
Bibliographie
- AD37 = Archives Départementales d’Indre et Loire
(1) Carré de Busserolle X. Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre et Loire. 1878
Encore un grand Merci pour ces recherches et ce partage.