A la recherche de la maison perdue de la Riolle

Tous les habitants de la vallée connaissent cette histoire extraordinaire de maison perdue de la Riolle.

Les vacances ne sont- elles pas une période propice à l’aventure? Pendant les quelques semaines d’interruption de ce blog nous vous invitons à retrouver cette maison perdue.

Il était une fois, il y a très longtemps (après que Martin eût commencé à évangéliser la vallée, mais avant que Gratien n’y succombât), une sorcière habitait les bois qui couvraient les deux rives de la Riolle. En ces temps là, les sorcières n’étaient pas des sujets de contes pour enfants, mais de pauvres malheureuses, folles sans doute, menacées d’être brûlées si d’aventure la rumeur les désignait comme malfaisantes ou porteuses de mauvais sorts. Et si on écoute les légendes qui ont traversé les siècles avant de nourrir l’imaginaire d’aujourd’hui, il faut reconnaître que les sorcières étaient assez nombreuses, souvent laides, couvertes de pustules, vêtues de haillons noirs aussi crasseux que leurs ongles pointus comme des griffes.

Pourtant, dans notre vallée de la Riolle il y eût une sorcière de toute beauté. C’est ce qu’on lit dans un vieux grimoire qui retrace l’histoire de notre contrée. Non seulement cette sorcière était très belle, mais en plus elle était jeune. Le contraire d’une sorcière habituelle. Elle n’essayait pas d’attraper les enfants pour les dévorer. Elle n’avait pas une voix de crécelle, elle n’était pas voûtée, le regard par en dessous, et se déplaçait sans s’appuyer sur un bâton tordu. 

Cependant elle avait un énorme défaut, qui faisait que depuis ses 15 ans elle était chassée de toutes les maisons de la vallée. Sans dire un mot, sans les regarder même, elle attirait tous les garçons, et même les hommes mariés. Au début les gens pensaient que c’était parce qu’elle était magnifique, le regard clair, le visage souriant, et d’une chevelure flamboyante. Mais, le temps passant, tellement d’hommes avouaient leur attirance pour cette jeune femme que le curé s’en émut. Il voulut l’entendre, mais elle affirma qu’elle n’avait rien à confesser. Les langues commencèrent à se délier et, de hameau en hameau, on répéta qu’elle avait une façon particulière de remuer les lèvres, doucement, sans produire le moindre son, et qu’elle lançait ainsi des sorts sans que personne ne puisse les comprendre. En un mot, cette fille pouvait bien être une sorcière. On mit les enfants en garde. On fit savoir que la famille qui l’avait élevée l’avait finalement chassée de la masure où elle partageait la vie de misérables serfs. Les années passèrent. On raconta qu’elle dormait dans la forêt mais sans qu’on sache vraiment où. Et puis, comment faisait-elle pour que ses vêtements restent toujours propres? Un homme devait l’héberger, ou plusieurs. Mais jamais on ne trouva dans quelle maison.

De plus en plus belle, son passage sur les chemins de la vallée semait la discorde dans les maisons, dans les champs, et dans les coeurs. Elle avait des pouvoirs maléfiques…c’était surement une sorcière. D’autant que personne ne pouvait dire qui était sa mère ni son père puisqu’elle avait été trouvée à la porte de l’église, abandonnée après sa naissance. Finalement, après avoir en vain espéré que cette catin se fasse enlever par un truand de passage, les femmes d’un village décidèrent de la chasser, ou de la tuer, si elle devait rester dans la vallée à tournebouler la tête de tous les hommes: ils ne pensaient qu’à elle et ne parlaient que d’elle.

Personne ne sut comment elle fut prévenue, mais elle disparut.

Pourtant, de temps en temps des enfants racontaient qu’il avaient joué avec elle, très loin dans la forêt. D’autres disaient qu’elle avait une petite maison bien cachée, invisible dans les branches. Les hommes de la vallée, quant à eux, n’en parlaient plus. Comme si elle était oubliée. La vie redevint normale, faite de travail et de peines, d’hiver glaciaux et d’étés étouffants, de récoltes médiocres et de bétail famélique. Que ces siècles là étaient difficiles!

Mais de générations en générations, le souvenir de cette étrange sorcière de la Riolle s’est maintenu. Des tas de jeunes hommes ont tenté de retrouver cette maison au fond des bois, espérant retrouver la belle. Les chasseurs de tous les temps ont scruté les taillis, même les plus petits, fouillé les anfractuosités et caves  de la vallée, cherché le moindre recoin. Rien, pas la moindre trace d’un abri abandonné ou d’une maisonnette oubliée, effondrée ou prisonnière de la végétation, enfouie sous la mousse et les débris.

Et puis un jour, au hasard d’une promenade, j’ai trouvé une maison complètement oubliée, totalement dissimulée par la végétation, et pourtant à moins de 50 mètres de la lisière d’un champ cultivé. De retour au village, j’ai évoqué, discrètement, l’idée qu’il put y avoir autrefois une maison dans le lieu visité. Mais aucun habitant des quatre communes de la Riolle n’acquiesçât à cette hypothèse.

La maison de la sorcière de la Riolle était-elle cette masure prisonnière des lianes et des arbres dont j’avais pris quelques photos? (Comme pour toutes les illustrations des posts de ce blog, il suffit de cliquer sur l’image pour l’agrandir et la voir au format maximal; puis de cliquer sur la petite croix en haut à droite de l’image pour la refermer).

En s’approchant on distinguait quelques pans de murs. Et puis, comme une ouverture de porte ou de fenêtre à hauteur.

Ecartant des obstacles végétaux très touffus, les volumes se sont précisés. Oui c’était bien une ancienne maison. Quelques pierres taillées rehaussaient l’allure de murs faits de simples moellons. J’ai jeté un coup d’oeil par la porte béante. De l’obscurité, rien que de l’obscurité. J’ai remis à plus tard l’inventaire de la bâtisse; lors d’une prochaine visite.

Quelques semaines plus tard, armé d’une lampe torche, je suis reparti pour une visite approfondie de la maison secrète. J’ai eu beau reprendre le chemin exact qui m’avait conduit à la ruine submergée par la forêt, je ne l’ai pas retrouvée. Comme si elle s’était envolée. Impossible pensais-je! Mais aucun de mes tours et détours ne me permit d’apercevoir la moindre trace de mur ou de toit. Me repérer dans le dédale végétal me parut de plus en plus difficile, si bien que j’eus les plus grandes difficultés à retrouver le chemin du village.

N’avais-je pas retrouvé la maison de la sorcière de la Riolle? Certain(e)s d’entre vous reconnaissent-ils la maison sur les photos de ce post? Qui pourrait dire dans quel lieu de la vallée de la Riolle se trouve cette maison?

Bonnes recherches et bonnes vacances! Rendez vous le 30 Août.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *