La fontaine des Jourdelins

Quittant Bournan par le chemin vicinal 7 (CV7), laissant la Riolle sur notre droite, et remontant vers les Bergeonnières, le paysage est dominé par une butte sur la gauche, trônant au dessus d’un petit vallon qui serpente bien enfoui entre cette butte cultivée et les Roches, de l’autre coté de la D101. Depuis des dizaines d’années que je prenais ce chemin vicinal c’était toujours la butte des Bergeonnières qui attirait mon regard car elle portait depuis toujours un grand châtaignier majestueux. Bien sûr il y avait un petit passage plus ou moins enherbé à l’endroit où le creux du petit vallon rejoignait le CV7. Sur le plan de Bournan (Fig 1 et 2) disponible sur le site de la mairie on peut lire que ce chemin, dédié aux tracteurs et engins agricoles, porte le matricule CR1: chemin rural 1. Des centaines de fois, des milliers peut être, je suis passée devant ce chemin plus ou moins boueux selon les saisons, mais jamais je ne m’y étais engagée. Jusqu’au jour de 2020 où j’ai vu y apparaître une petite pancarte artisanale fléchant le fond de vallon et indiquant: « Fontaine des Jourdelins » (Fig 3).

Quelques mois plus tard, à l’occasion de pluies plus abondantes et plus brutales que d’habitude, j’ai vu que le petit ru, bien abrité dans son fossé envahi par la végétation, s’était transformé en un torrent emportant branchages et pierres jusqu’à boucher le pont du CV7 et recouvrir la route de débris divers. (Fig 4 et 5) A moins que la « Fontaine » d’un seul coup se soit réveillée? En tout cas il se passait quelque chose dans ce petit chemin perdu dans la végétation et devenu impénétrable. Quelques temps plus tard j’ai vu apparaître, enjambant le ru, juste en amont du pont par lequel il s’engouffre sous le CV7 pour gagner la Riolle, un grand panneau de bois gravé indiquant la Fontaine et la source.(Fig 6) Des travaux d’élagage et de nettoyage s’avançaient petit à petit vers le fond du vallon. Je me suis promise d’y aller voir. Un blog consacré à la Riolle ne doit-il pas accorder le plus grand intérêt à tous les affluents qui la grossissent ?

 

Par un après midi d’avril (2021) je suis allée voir ce qui se passait dans ce petit coin charmant et oublié de notre vallée. Le ru était à sec au CV7. (Fig 7 et 8) En remontant les cailloux du lit étaient secs et propres sur plus de 100 mètres le longueur; au moins avais-je vu le lit de ce ru qui était autrefois complètement dissimulé sous les arbres et les taillis de ronces et d’épineux. Plus loin le long du ru, sur le chemin rural N°1 dégagé et élargi, des tas de bois et les cendres de broussailles montraient l’ampleur du nettoyage entrepris. De toute évidence le ru retrouvait la lumière. Et après 200 mètres en remontant le fossé, j’ai  de l’eau circulait; une eau claire, courante sur un fond propre. (Fig 9)

Un petit pont de fortune avait été installé pour faciliter les travaux d’élagage et de nettoyage.(Fig 10) Travaillant près de ce pont, à défricher toujours plus loin les abords du ru, Michel Lhéritier se présente spontanément:

« Je nettoie toutes les rives pour retrouver la Fontaine communale! Je le fais pour le plaisir, pour que la commune retrouve ce lieu dont j’ai découvert par hasard l’existence en 2014 mais qui était totalement enfoui sous la végétation. Depuis l’an passé, avec le soutien du conseil municipal et l’appui de bénévoles nous dégageons tout le fossé pour parvenir à la source: « La Fontaine ». Venez voir je vais vous la montrer même si c’est encore bien encombré! »

Comment ne pas suivre Michel Lhéritier, retraité, conseiller municipal de Bournan, qui semble habité par la passion de recréer ici un lieu convivial où les habitants pourront venir s’y retrouver, aux beaux jours, comme les lavandières y venaient il y a encore 50 ans avec leurs brouettes de linges. Il nous désigne l’endroit de l’ancien lavoir, les lieux où l’on rouissait (1) le lin (d’où le nom de Jourdelin) et surtout nous montre la « Fontaine » d’eau claire, profonde d’un mètre 80, d’où sourd le flot transparent. (Fig 11) Le trésor était là, invisible et oublié depuis tant d’années. Il va revivre; de même que toute la végétation débarrassée de la jungle étouffante des épineux. Un saule marsault a été dégagé portant encore la plaque métallique d’identification qui y avait été apposée lors d’un « inventaire forestier national ». (Fig 12)

Les sangliers et les chevreuils ont déjà repris le chemin de la fontaine, les traces de pattes sont explicites tout le long du ru dégagé. (Fig 13)

Fig 13: Le petit ru issu de la source des Jourdelins. On note encore en certains endroits une végétation très touffue. Travail de titan que de dégager tout cela à la main!

D’où provient cette source? N’est elle pas une résurgence de ruissellements venant de l’amont (car le fossé s’y poursuit) ? Mais il est sec.  Nous envisageons que ce fossé puisse provenir du petit étang de la Bataillerie situé quelques centaines de mètres plus haut. Michel Lhéritier nous confirme cette hypothèse car il nous dit retrouver des poissons dans la fontaine, lors des grandes pluies et des crues. Vraisemblablement ces poissons étaient dans le petit étang de la Bataillerie et sont passés par dessus la vanne de vidange de l’étang quand le niveau d’eau s’est élevé.

L’opération initiée par Michel Lhéritier est exemplaire et valorisera sans doute la vallée de la Riolle.

« L’objectif est de sortir la fontaine de l’oubli et de redonner vie au site tout entier. Les volontaires qui souhaiteraient aider sur ce chantier de remise en état sont bien sûr les bienvenus »

Tel est le message qu’il laisse sur le site de la commune de Bournan.

Voyez-vous d’autres chantiers équivalents à lancer sur le territoire des 4 communes de la Riolle?

(1) ROUIR: Isoler les fibres utilisables des plantes textiles en détruisant la matière gomme-résineuse qui les soude, par une macération dans l’eau ou par tout autre procédé.

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