Bien des villages du sud-Touraine disposent d’une petite gare; elles furent toutes construites sur le même modèle dans la seconde moitié du XIXe siècle. Parfois restaurées et habitées, parfois presque oubliées au milieu de la nature. Elles témoignent de la révolution ferroviaire qui fut lancée en Angleterre et permit à la France, avec quelques années de retard, de construire un réseau de circulation qui allait bouleverser l’économie tout autant que la vie rurale.
Des quatre communes de la Riolle, seule la Chapelle-Blanche a été raccordée au réseau. A la Chapelle-Blanche on peut encore voir la gare qui fut construite, ainsi que « l’hôtel de la gare » qui s’était établi à sa proximité immédiate, sur la route de Vou, à peu près au niveau de l’actuel terrain de sport. ( Fig 1 à 6)
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C’est à partir du 2 avril 1846 (il y a 178 ans !) que l’ouverture de la ligne de la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (appelée PO) permit à des voyageurs de gagner Tours. Le 15 juillet 1878 (32 ans plus tard) le train permettait de rejoindre Loches.
Le sud du département devra attendre 1889 pour pouvoir profiter d’un réseau complet de chemin de fer:
- une ligne de 61 km permet de relier Ligueil à Montrésor, exploitée par la compagnie des chemins de fer départementaux, (prolongée vers Ecueillé en 1907),
- Une ligne Esvres / Le Grand Pressigny de 52 Km, exploitée par la même compagnie. Les gares suivantes étaient desservies par cette ligne: Saint-Branchs, Louans, Le Louroux, Manthelan, La Chapelle Blanche Saint Martin, Ligueil, Ferrière Larçon, Paulmy et le Grand-Pressigny. (Fig7)
On voit bien le rôle central joué par la gare de Ligueil, appelée « l’étoile » du réseau du sud-Touraine. Ces deux lignes ont été fermées en 1949.
La petite gare de la Chapelle Blanche Saint Martin était située, juste avant Ligueil, sur la ligne Esvres / Grand Pressigny. A partir de 1889, existait donc une liaison ferroviaire permettant, depuis la Chapelle-Blanche, d’aller à Ligueil, puis à Loches, ou d’aller à Tours avec changement à Esvres. Rappelons que la population de La Chapelle-Blanche était de 913 habitants au moment de l’ouverture de la gare, mais qu’elle était tombée à 777 à la clôture de la ligne; soit une perte de 15% de la population ! Il y avait 70 000 Km de lignes de chemin de fer en France aux environs de 1910; et il n’en restait que 24 000 en l’an 2000. (Fig 8 et 9)
A partir des documents réunis et mis en forme par Madame Raymonde Janvier, il est possible de rappeler les grande lignes des démarches en faveur de la création et de l’exploitation de la ligne de chemin de fer à la Chapelle-Blanche.
« Dès 1881 le Conseil Municipal approuve l’idée de la construction d’une ligne de chemin de fer du Grand-Pressigny jusqu’à Esvres en passant par Ligueil et Manthelan. En 1883 une enquête publique est faite afin d’établir un tracé qui traverserait le canton et mettrait 8 communes dont 3 des plus peuplées en communication avec Tours. Par ailleurs le projet de construction d’une ligne Ligueil / Loches permettrait de donner satisfaction aux autres cantons de l’arrondissement de Loches.
La commune de La Chapelle proposait de céder gratuitement les terrains nécessaires à condition qu’une gare soit installée dans le bourg. Ces terrains (évalués à 20 000 Frs) devaient bien entendu, avoir été acquis au préalable par la municipalité. La commune devait donc une fois encore recourir à l’emprunt, lequel reviendrait au bout de 30 années à 43.384 F. Mr Pierre Lecointre, Maire de la commune et propriétaire de Grillemont, avait adressé au Conseil Municipal une lettre où il se proposait de prêter à la commune cette somme de 20 000 Frs, sans intérêt, et remboursables en 20 annuités. En échange, il proposait que la municipalité consente à lui vendre pour 3.000 F une portion de chemin rural qui traversait le parc de Grillemont. Ce chemin n’était pas construit, n’était pas praticable et ne servait qu’au transport de moellons et à l’exploitation des bois de la propriété. Ces propositions furent acceptées avec empressement par le Conseil.
La portion de voies à construire dans la traversée de la commune était de 6.148 kms. La Compagnie s’engageait donc construire les voies et la gare sur les terrains achetés aux riverains. Il fallut pour cela, en 1888, acquérir 158 parcelles à une quarantaine de propriétaires différents (51 avaient moins d’un are). Le tracé était prévu à travers 8 chemins d’exploitation, 16 chemins ruraux. 15 passages à niveau furent réalisés sur les chemins ainsi que 4 ponts (face aux Mereaux, à la Ratelière, entre les Pinçonnières et la Gablinière, et au Couraut-Marteau face à la Brosse). Le prix moyen d’achat était de 20 Frs l’are, et les arbres à abattre acquis au prix de leur valeur marchande.
Le train a du circuler dès 1889, car à cette date est envisagée l’achat d’une boîte aux lettres à placer à la gare. Le chef de gare (Mr Lion, le premier) fut payé 12 Frs par an pour remettre les lettres postées au conducteur du train. Les portions de terrain excédentaires furent remises en vente à partir de 1894. La ligne dans son ensemble fut toujours plus ou moins déficitaire. Jusqu’en 1920 peu d’améliorations lui furent apportées. En1928 l’électricité est installée dans la gare (ce qui coûte 450 Fs à la commune). Pourtant il fallut essayer de moderniser la ligne vers 1935 pour faire concurrence aux services de cars Destruel qui commençaient à circuler. On utilisa la Micheline (automotrice sur pneus Michelin).
En 1940 la ligne de démarcation coupa le département en deux, jusqu’en Novembre 42. Le Grand Pressigny était en zone libre, Ligueil et La Chapelle en zone occupée. La halte de la Louzière marquait la séparation et un contrôle allemand y était fait. Le 13 août 1944 la gare de Ligueil fut mitraillée. 9 voitures, 3 automotrices, une locomotive, 1 hangar furent détruits.
L’arrêt total de la ligne se fit entre le 1er Juillet et le 1er Octobre 1949. L’exploitation avait duré 60 ans. » R. JANVIER
Un film a été fait montrant la fin de la ligne entre Loches et le Grand Pressigny (Fig 10)
Bel article
je suis allé à Loches avec mes parents certainement dans un des derniers convoi.
Il me reste le souvenir du départ du dernier wagon stationné en gare.
UN gros sursaut à l arrivée de la loco jouant de son sifflet!!!
car nous jouions sur les voies avec un fils Moreau (dont le papa était garde champêtre).
Le souvenir aussi des traverses de chemin de fer démontées par mon grand père.
Merci Cher Monsieur de votre avis positif, mais surtout de nous avoir partagé vos souvenirs. Pour ma part, je suis très sensible au fait que le pays tout entier s’est lancé dans ce chantier énorme et fondamental du transport ferroviaire, et que quelques décennies plus tard il l’ait démonté. Il y a là un gaspillage énorme. A-t-il été identique dans toute l’Europe? Il existe un petit film qui montre le démontage de la ligne du Grand-Pressigny en 1949: à la fois bucolique et nostalgique.
De La Chapelle-Blanche à Tours un mercredi 24 juillet 1940`
Quand le train ne pouvait plus assurer son service.
« Une voiture nous conduit de La Chapelle à Manthelan prendre la Micheline jusqu’à Esvres : aucun incident. A la descente du train nous apercevons une auto remorquant un van à cheval. Nous nous y précipitons car il reste encore 2 places. Nous sommes 14 avec les nombreux bagages des réfugiés. Passons le pont sauté de l’Indre remplacé par une étroite et tremblante passerelle en planches. Emotion… le reste du voyage s’accomplit à 15 Km à l’heure. Le soir, aucun moyen de retour. »
Merci de votre apport. Votre texte est entre guillemets. Je suppose donc qu’il s’agit d’une citation. pouvez vous nous indiquer d’où vous avez tiré ces lignes? Cordialement
Recherches toujours fort intéressantes !
Merci à vous et à Mme Janvier.
M. Fortin a certainement lui aussi une documentation très importante sur le même sujet !
Un film de Ciclic sur l’enlèvement des rails et des traverses de cette ligne en 1949 est fort intéressant !
Je pense en effet que de la documentation importante doit exister sur le sujet du chemin de fer en sud-Touraine. mais elle n’est pas accessible facilement, surtout si on souhaite se focaliser sur la Chapelle Blanche St Martin. Qui aurait des photos prise en gare de la Chapelle? Ou au café de la gare? On aimerait avoir ça mais il n’est pas certain qu’il en existe. Le film dont vous parlez est bien interessant et montre le dernier voyage de la micheline vers le Grand Pressigny, puis le démontage de la voie. Beaucoup de nostalgie pour une période où la petite ligne de chemin de fer semble faire partie de la nature. Elle est comme un chemin de campagne entre les près et les bois. Disparue. J’ai eu envie d’ajouter ce film à mon post (même si on n’y voit jamais le secteur de la Chapelle Blanche) mais je redoute qu’il me soit reproché une utilisation abusive. Je le mettrai peut être un jour.