Les prussiens et la Riolle (1) La défaite

Nous avons déjà évoqué les troubles créés sur les communes de la Riolle par la ligne de démarcation de 1940. Nous y reviendrons. Nous avons aussi rappelé les dizaines de malheureux héros dont les noms figurent sur nos monuments aux morts de la boucherie de la guerre de 14-18. Mais nous n’avions encore jamais évoqué la ligne de démarcation de 1871, qui de Sainte Maure à La Chapelle Blanche, a conduit au pillage de nos villages. Des « cuirassiers blancs » de Von Kirschbac en 1871 à la panzer division SS « Das Reich » de 1945, les prussiens, les nazis, les allemands… ont bien mérité leur image d’envahisseurs dans notre région.

Le 19 Juillet 1870 Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. L’armée française mal préparée capitule dès le 3 Septembre à Sedan: 15000 morts, 91000 prisonniers, l’Empereur captif, et repli du gouvernement, des ministères et des ambassades sur Tours.

Dès le 4 Septembre l’Empire est aboli, la République proclamée, et un gouvernement provisoire de Défense Nationale, est formé.

Le 9 octobre Léon Gambetta, depuis Tours où la délégation du gouvernement s’était replié, forme de nouvelles armées : l’Armée du Nord, l’Armée de la Loire puis l’Armée de l’Est.

Le 20 Octobre le Département d’Indre et Loire est déclaré en état de guerre et doit contribuer pour 1.267.500 Francs aux frais d’équipement de l’armée à lever. « Dans sa séance du 17 Novembre le Conseil municipal de la Chapelle Blanche précise que la commune devra contribuer pour 2064,50 Francs; somme qu’elle devra emprunter. Mr. Pierre Ecroulant, régisseur de Grillemont propose de prêter 1064,50 Frs et Mr. Pierre Jasnin, Maire, propose de prêter les 1000 Frs restants. » (1)

Le 8 décembre 1870, la délégation du Gouvernement de la Défense Nationale de Tours fut transférée à Bordeaux, tandis que Paris reste encerclé et que les tentatives pour briser le siège, le 28 novembre 1870 et le 18 janvier 1871, se soldent pas des échecs cuisants.

Dans le même temps ce qui restait des armées françaises dut battre en retraite sur tous les fronts jusqu’en janvier 1871. L’armée de la Loire, reconstituée avec des hommes de notre région et commandée par Chanzy, fut vaincue au Mans.

Le 28 Janvier la reddition de la capitale est signée ainsi qu’une convention transitoire d’armistice avec Bismarck stipulant diverses mesures humiliantes pour les vaincus. L’armistice général intervint le 15 février 1871.

Les troupes prussiennes quant à elles poursuivent leur avance: elles sont à Blois le 9 Décembre, à Tours le 9 Janvier, à Loches le 4 Février, à Sainte Maure le 7, et le 28 Février à La Chapelle Blanche. Elles y resteront jusqu’au 7 Mars, comme à Sainte Maure.

Avant de détailler dans un prochain post l’occupation prussienne, il faut préciser les conditions dramatiques qui ont abouti à mobiliser dans nos communes les soldats de l’armée de la Loire.

Rappelons que dès le mois de Juillet 1870 le Préfet d’Indre et Loire désigne Mr Patry (médecin), conseiller général et adjoint au Maire de Sainte Maure, et le marquis de Lussac, Maire de Sainte Catherine de Fierbois, pour former un comité de secours aux blessés pour le canton de Sainte Maure. Entre le 1° septembre 1870 et le 29 Mars 1871, « près de 150 malades ou blessés de toutes armes et de toute provenance seront admis (à l’hôpital de Sainte Maure), encore que le registre des entrées ne semble pas complet puis que n’y sont pas portés les noms de 3 blessés (Soulé, Chassagne, Troisgros) qui ont été dirigés sur Poitiers, non plus que 3 militaires qui y décédèrent après l’arrêt des hostilités » (2). Une tombe du cimetière de Sainte Maure regroupait les restes de 8 soldats morts à l’hôpital de Sainte Maure, ainsi qu’un courrier du 29 Mai 1874 du Maire (Auguste Chevallier) le fait savoir au Préfet. Citons leurs noms pour leur mémoire:

  • Honoré Tabard, 21 ans, décédé le 24/12/70, soldat au 47° régiment, fils de Honoré Tabard et de Constance Méri
  • Bertrand Carrin, 21 ans, décédé le 27/12/70, Garde mobile, fils de Jean Baptiste Carrin et de Angélique Lafond
  • Jean Sancet, 21 ans décédé le 1/1/71, caporal au 8°Régiment de Marche, fils de Jean Sancet et de Françoise Gardet
  • Eugène Neumain, 25 ans, décédé le 2/1/71, soldat au 44° régiment de Marche, fils de Louis Neumain et de Désirée Ozienne
  • Joseph Ruelle, 22 ans, décédé le 19/1/71, cavalier des 6° Dragons, fils de Jean Ruelle et de Anne Chalon
  • Celestin Tenor, 27 ans, décédé le 4/2/71, garde mobilisé de la Vienne, 1° Légion
  • Louis Sarazin, 30 ans, décédé le 26/2/71, soldat mobilisé de la Vienne, 1° Légion, fils de René Sarazin et de Henriette Roux
  • François Pivard, 24 ans, décédé le 23/4/71, garde mobile de l’Orne, fils de François Picard et de Françoise Brouvard.

C’est le 10 Août 1870 que le corps législatif vote une loi appelant sous les drapeaux tous les hommes valides de 20 à 35 ans, qui aboutira à la création de la « Mobile » et de l’Armée de la Loire. Le 30 Août les hommes sont convoqués en fonction de leur lieu d’habitation. « La compagnie de Mobiles de Sainte Maure est composée de 300 hommes environs qui seront logés chez l’habitant » (2). En réalité rien n’est prêt pour les soldats: « des vareuses et des pantalons dont l’étoffe cédait sous le moindre effort. Quant aux souliers, ils n’avaient de cuir que l’apparence: à la moindre marche ou à la moindre pluie une basane superficielle allait se décoller pour laisser voir une semelle en carton. » (2). 200 fusils pour 300 soldats…et l’instruction commence. Après 3 mois de préparation le 88 ème Régiment de Mobiles pouvait enfin aller au combat: on est le 4 Décembre avant un hiver qui sera terrible du point de vue climatique. Les combats du 7 au 10 décembre furent particulièrement meurtriers. Puis, pendant 5 semaines, dans la neige et le froid glacial ce fut ce que les allemands ont eux mêmes qualifié de « retraite infernale »: depuis Beaugency jusqu’au Mans puis Laval « beaucoup marchaient pieds nus ou les pieds entourés de linges » (2). Le 88 ème parcouru ainsi 150 kms en huit jours.

Les laborieuses tractations de l’armistice provisoire avait fixé une « ligne de démarcation » et déterminé une zone neutre de 10 kms . Dans le respect de cette clause le 88 ème entreprend un long périple qui le ramène en Touraine. Le 6 Mars le régiment est aux Ormes et y apprend la signature de la paix. Le 17 Mars les Mobiles sont désarmés et de retour à Sainte Maure.

Les prussiens occupaient déjà la ville le 7 février. (3)

Bibliographie

1- Janvier R. Bulletin de la Chapelle Blanche Saint Martin n°11. 1988

2- Pontonnier J. Sainte maure pendant la guerre de 1870-71. Société archéologique de Touraine.

3- Martin Tiffeneau. M. Sainte Maure de Touraine des origines à 1900

4 réflexions sur “Les prussiens et la Riolle (1) La défaite”

    1. Non seulement efface les traces des évènements, mais pour ce sujet en particulier, les massacres de 14-18 et ceux de 39-45 masquent les souffrances pourtant terribles de nos pauvres paysans de 1870. On pourrait être tenté de se dire que la purge a été tellement dure qu’elle servira de leçon. Entre européens, vraisemblablement. Mais à l’échelle du monde, la bascule de la guerre de 70 semble un marqueur à ne pas oublier.

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