Médecin de la Riolle

A notre connaissance, pour les 4 communes de la Riolle, il n’y a qu’à Sepmes que des médecins ont exercé. Il y a bien eu des rebouteux à la Chapelle Blanche, Civray ou Bournan; et il y en a encore.

A Sepmes, pourtant assez proche de Sainte Maure, on parle d’un premier médecin, le Dr. Goubault, installé dans la rue derrière l’église. En 1912, Mr. Boutin étant maire, le conseil municipal aurait voté une aide pour l’installation.

Grâce aux archives et aux recherches de Madame Eliane Fontaine dont les ancêtres sepmois travaillaient dans la maréchalerie, le travail des métaux, mais aussi dans la restauration et le débit de boissons, nous disposons d’informations importantes concernant le médecin qui était présent à Sepmes au début de la dernière guerre et dont le sort dramatique mérite d’être rappelé.

Abraham Gutnic était né le 10 mars 1908 à Cetatea Alba en Roumanie à l’époque, et ukrainienne aujourd’hui, dans une région très proche d’Odessa. Ses parents on été victimes des violences de la révolution russe en 1917. Agé de 9 ans Abraham aurait pu se réfugier chez une tante qui vivait à Paris. C’est là qu’il fit sans doute ses études de médecine.

Dans sa séance du 27 décembre 1936 le conseil municipal de Sepmes « décide d’accorder la somme de 1500 francs au titre de dédommagement pour l’installation d’un nouveau docteur », ce qui laisse à penser que le précédent n’exerçait plus. Le 4 avril 1937 le même conseil « décide de maintenir la somme… » montrant qu’aucun candidat ne s’était présenté.

Le 25 février 1939 le conseil municipal demande au Préfet que « l’inspection médicale des écoles de Sepmes soit maintenant faite par le docteur résidant à Sepmes » et non plus par le Dr. Gascoin de Sainte Maure. Autrement dit le Dr. Abraham Gutnic était médecin installé à Sepmes en février 1939, 6 mois avant la déclaration de la guerre.

Le 12 avril 1941, Sepmes est alors en zone occupée par l’armée allemande. On sait que Sepmes, proche de la ligne de démarcation, fut témoin de bien des actes de résistance et de courage. Ce 12 Avril 41, le conseil municipal, « annonce la suppression du poste de docteur de Monsieur Gutnic ». Le Dr. Gutnic étant d’origine juive, on imagine que les ordonnances du régime de Vichy sont à l’origine de cette décision. La loi du 2 juin 1941 stipule que les juifs ne peuvent exercer une profession libérale. Mais ce n’est qu’à partir du 11 Août 1941 que l’interdiction d’exercer dans la zone occupée à été notifiée aux médecins juifs. Le Dr. Gutnic était-il naturalisé français ou non? Quelles lois du nouveau régime lui étaient-elles applicables?

Y a-t-il eu un problème particulier à Sepmes pour que le poste de médecin soit « supprimé »? Et par qui la suppression a-t-elle été décrétée? On sait pourtant que les habitants de la commune ne sont pas impliqués dans la suppression du poste du Dr. Gutnic. En effet, le même avis du conseil municipal, du 12 avril 1941 précise explicitement: « Le conseil municipal…refusant que le poste de médecin reste vacant…demande…que le Dr. Gutnic soit réintégré dans ses fonctions de médecin traitant à Sepmes ».

Il faut dire, et les souvenirs dans la population sepmoise semblent unanimes, que le Dr. Gutnic s’y était bien intégré et s’était fait des relations et amis dans la commune où il payait des impôts. Il était de notoriété publique très estimé comme médecin, et « bel homme ». Il habitait au 44 de la rue de la République,  « la maison Bergerault » (Fig1), du nom du boulanger de Descartes qui avait gagné une somme significative à la loterie lui ayant permis de construire cette maison toujours bien visible à Sepmes.

Qu’est devenu le Dr Gutnic après la cessation de son activité? On raconte qu’il travailla dans les vignes aux Fechaux (commune de Draché), à la sortie de Sepmes sur la route de Sainte Maure. Il travaillait assis sur un tabouret de traite. On dit aussi qu’il mangeait du maïs, ce qui était inconnu de la population locale qui le réservait aux poules. Une photo de mauvaise qualité, prise le 12 octobre 1941 et signée par Philippe Grison, le montre souriant, en pantalon clair, devant le 28 de la rue de République, en compagnie d’amis dont Jean Grattier, Josèphe et Robert Grison, Mme Demay et Michèle Cathelin. (Fig 2 et 3) Une dernière photo-souvenir juste avant de fuir?

L’Arehsval (association de recherches et études historiques sur la Shoah en Val de Loire) a établi en 2012 une liste de 978 juifs déportés à partir de l’Indre et Loire; et Abraham Gutnic y figure. Cette association pense qu’il a été arrêté ( à Sepmes?, à Tours?, ailleurs?) et emprisonné à Tours puis remis aux allemands lors de la rafle des 15, 16 et 17 juillet 1942. De Tours, 135 personnes issues du camp de La Lande (Monts) et 153 autres issues de ces rafles ou extraites de la prison ont été déportées par le convoi n°8 du 20 juillet 1942, qui, après un détour par Angers gagna directement Auchwitz-Birkenau.

Le nom d’Abraham Gutnic figure sur le bordereau de transport du convoi, mais étonnamment il n’est pas immatriculé à Auchwitz. Le Dr. Gutnic a-t-il survécu? Officiellement les personnes du convoi n°8 partaient faire les moissons en Ukraine… Il est sans doute plus exact de les considérer comme assassinées par les allemands.

Nous serions heureux de recueillir d’autres informations ou photos illustrant la présence du Dr. Gutnic à Sepmes de 1939 à 1941. Merci à celles et ceux qui pourraient y contribuer.

2 réflexions sur “Médecin de la Riolle”

  1. Chaumont Jean-Claude

    Une petite info malheureusement sans grande importance à rajouter au dossier de recherches néanmoins déjà bien établi concernant le docteur Gutnic de Sepmes, trouvée sue le site de généalogie « geneanet ». Mais peut-être, est-elle déjà connue ou simplement ignorée pour la rédaction du sujet.
    Je la livre malgré tout: le docteur a effectué une thèse en 1935 de 44 pages sur la médecine des enfants concernant la prophylaxie de la coqueluche.
    Le fait d’écrire ou de parler des hommes et des femmes, les enfants aussi de nos quatre communes qui ont subi l’abominable pendant la guerre, c’est on ne peut plus important pour le devoir de mémoire à maintenir coûte que coûte.
    Jean Sauvé

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